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Cap sur l'atome
Investir dans le nucléaire

Les marchés américains et japonais clôturent la semaine proches de l’équilibre, tandis que l’Europe et la Chine baissent : une performance honorable compte tenu du contexte (flambée des risques géopolitiques, indicateurs économiques de nouveau médiocres aux Etats-Unis, et une Fed plus que jamais attentiste).
La Commission Européenne fixe un cadre pour les investissements dans le nucléaire.
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, la hausse des ventes au détail ralentit en mai, et les inscriptions au chômage confirment la tendance récente (légère remontée). La production industrielle baisse et les indices manufacturiers des Fed de New York et Philadelphie s’affichent en retrait pour respectivement le quatrième et le troisième mois d’affilée en juin. Les indicateurs immobiliers ne sont pas plus encourageants : l’indice NAHB de sentiment des promoteurs baisse en juin et retrouve un plus-bas de trois ans, et permis de construire et mises en chantier de mai déçoivent. La Fed laisse ses taux inchangés, revoit légèrement à la baisse ses attentes de croissance pour 2026 mais pas pour 2025, attend une reprise de l’inflation, et laisse ses projections de baisses de taux inchangées (deux baisses d’ici la fin de l’année). La législation sur les stablecoins est entérinée par le Sénat.
Le ZEW (indicateur de sentiment économique) pour la zone € se redresse fortement, et le recul de l’inflation (1,9% annualisé en mai) est confirmé en dernière lecture. L’Insee prévoit un ralentissement de la croissance en France, à 0,6% en 2025 (contre 1,1% en 2024).
La banque du Japon maintient ses taux d’intérêt inchangés, prise en étau entre une inflation encore trop élevée (3,5% cette semaine pour le mois de mai, accélération du core à 3,7%) et impact de la hausse des droits de douane sur la croissance, mais confirme le ralentissement de ses rachats d’obligations d’Etat. Les négociations avec les Etats-Unis sur les droits de douane en marge du G7 ne sont pas conclusives. L’indice Tankan de sentiment des entreprises reste positif mais fléchit, la faible demande chinoise et les incertitudes tarifaires pesant sur le moral des sondés. Les exportations baissent, les importations plus encore (avec une belle réciprocité : si les exportations vers les Etats-Unis baissent de 11%, les importations américaines perdent 13%).
En Chine, les données de la semaine pointent sur une légère amélioration : les prix des logements neufs baissent pour le 23ème mois consécutif, mais à un rythme qui continue de s’améliorer ; et si la production industrielle ralentit, les ventes au détail accélèrent.
Micro 🔬
Le titre Accenture baisse fortement sur sa publication de résultats, portant sa performance depuis le début de l’année à près de -20% : le trimestre précédent est bon (et même supérieur aux attentes du consensus), mais les prises de commandes déçoivent (-6% en $). Le groupe revoit quand même ses objectifs annuels marginalement à la hausse. Servant la plupart des industries dans le monde entier, Accenture est un indicateur avancé de la conjoncture mondiale.
Trump approuve finalement l’acquisition de US Steel par Nippon Steel sous condition de maintien du siège et de dirigeants américains, et d’octroi d’une golden share.
Microsoft envisagerait des milliers de licenciements le mois prochain, en priorité dans les fonctions commerciales, où la société veut recourir à davantage d’externalisation. Par ailleurs, les relations avec OpenAI seraient au bord de la rupture, et cette dernière envisage de déposer une plainte anti-trust contre le fabricant de logiciels.
Le titre Smith & Wesson baisse fortement à l’annonce de résultats décevants : les incertitudes économiques pèsent sur ce consommateur-là aussi.
Abu Dhabi national Oil Company (ADNOC) tente de se renforcer dans le gaz naturel liquéfié en lançant une OPA sur l’Australien Santos pour près de 24 Md$. Le gouvernement pourrait s’opposer au contrôle par des investisseurs étrangers du deuxième producteur de gaz naturel du pays.
Luca de Meo quitte Renault pour rejoindre Kering mi-septembre, amenant peut-être une réponse aux difficultés conjoncturelles (Chine, droits de douane) et structurelles (Gucci, dette) du groupe. Il bénéficie d’une expérience certaine des situations de retournement et de la gestion des coûts en environnement tendu, sans être totalement étranger au luxe en tant qu’ancien membre des comités de surveillance de Ducati et de Lamborghini.
Eutelsat annonce coup sur coup un contrat de 1 Md€ sur 10 ans avec l’armée française et une prochaine augmentation de capital de 1,35 Md€ après d’investisseurs de référence, permettant de réduire son levier à environ 2,5x d’ici la fin de l’exercice 2025/26.
La minute innovation 🧚🏻
Elon claque plus d’1 Md$ par…mois chez xAI, qui cherche à faire une (forcément) grosse levée.
Vous voulez muscler votre cerveau ? Oubliez ChatGPT. Cette étude du MIT met en évidence une activité neuronale très dégradée dans le groupe utilisant des LLM, comparé aux groupes faisant une bonne vieille recherche Google ou mieux encore, à celui qui se débrouillait sans la tech.
Si la paresse vous tente quand même, attention aux données que vous confiez à Sam Altman : la lecture des OpenAI Files, un répertoire très bien fait de toutes les données publiques concernant la société, est édifiante.
Waymo, la filiale de robotaxis d’Alphabet omniprésente en Californie, reprend ses tests à New York. La société va cartographier une portion de Manhattan avec cinq voitures, qui pour l’instant auront encore un humain au volant et ne prendront pas de passagers.
Sur la plateforme de streaming live de la plateforme chinoise Baidu, un téléachat mené par deux avatars réalise plus de chiffre d’affaires que le présentateur star habituel.
Environnement de marché trop complexe ? Si vous souhaitez creuser nos hypothèses et thèmes d’investissement, rendez-vous ici.
Cap sur l’atome 🧡
Le thème du nucléaire est porté par la convergence de trois mégatendances. La première est l’électrification croissante de la société en raison de la demande exponentielle en puissance de calcul des centres de données, ainsi que de l’électrification de la mobilité et des processus industriels. La deuxième est l’impératif de décarbonation, le nucléaire étant la seule énergie propre pilotable 24h/24 et 7j/7. La troisième, et non la moindre dans cette conjoncture géopolitique agitée, est la quête de sécurité et de souveraineté énergétique.
Le 8ème Programme Indicatif Nucléaire (PINC) de la Commission Européenne, publié en fin de semaine dernière, consacre un revirement stratégique après des années de tergiversations, en affirmant la volonté de "maintenir la primauté industrielle de l'UE dans ce secteur". Au-delà des déclarations de principe, il fixe un cadre politique (un réseau électrique avec une forte pénétration d'énergies renouvelables intermittentes est intrinsèquement instable et coûteux sans une source d'énergie de base ferme et propre pour le soutenir) et chiffre les besoins et les ambitions.
Pour ce qui est des besoins, le montant est évalué à 241 Md€ d’ici 2025 : 36 Md€ pour prolonger la durée de vie des réacteurs existants, le solde pour construire de nouveaux réacteurs de grande taille. Des "investissements supplémentaires sont nécessaires" pour les petits réacteurs modulaires (SMR), les réacteurs modulaires avancés (AMR) et, à plus long terme, la fusion. Consciente que de tels montants ne peuvent être mobilisés sans le secteur privé, la Commission propose des mécanismes divers (garanties de prix de vente par exemple) pour attirer les capitaux et atténuer les risques inhérents aux grands projets d'infrastructure.
Pour ce qui est de l’ambition, elle est d’une production d’environ 160 GWe en 2050 (109 pour les grands réacteurs, et 53 pour les SMR/AMR), contre 98 en 2025. Les Etats-Unis, qui produisent à peu près autant que l’Europe à l’heure actuelle mais n’hésitent jamais à surinvestir, ont fixé en mai dernier un objectif de quadruplement de la capacité nucléaire du pays pour atteindre 400 GWe d’ici 2050, en prolongeant la durée de vie de la flotte existante (94 réacteurs), et en devenant le leader de la prochaine génération de technologies nucléaires, notamment les SMR et les microréacteurs. Quant à la Chine, elle vise 70 GWe d’ici la fin 2025, et 240 en 2050. Avec 32 réacteurs en construction, elle construit plus que tous les autres pays réunis, mais en partant de plus loin.
Le principal risque pour l’investissement dans le secteur réside dans les surcoûts et retards des grands projets. Une étude exhaustive menée par l'Université de Boston sur 662 projets énergétiques mondiaux a révélé que les centrales nucléaires sont les plus mauvaises élèves en la matière. En moyenne, un projet subit un surcoût de construction de plus de 100%, soit un dépassement de budget moyen de 1,56 Md$. À cela s'ajoutent des retards de livraison considérables, avec une moyenne de 35 mois de décalage par rapport au calendrier initial. Les SMR, la réponse technologique directe à ce problème, représentent la frontière la plus dynamique et potentiellement la plus disruptive du secteur. Leur conception modulaire, fabriquée en usine, promet des coûts initiaux plus faibles, des délais de construction plus courts, une sécurité passive renforcée et une polyvalence d'applications (production de chaleur industrielle, d'hydrogène, etc.). Le marché est en train de passer de la phase de recherche et développement à la commercialisation.
Les bourses européenne et américaine comptent quelques grands groupes industriels impliqués dans les SMR. La cote américaine compte déjà deux fabricants de SMR « pure play » d’une capitalisation boursière supérieure à 5 Md$. Pour diversifier dans le thème, on peut également s’intéresser à certains ETF et au non coté.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.