Carbonomics

Investir dans les crédits carbone

Anticipations d’attentisme de la Fed, tensions géopolitiques et incapacité des résultats d’Nvidia à rassurer entraînent une baisse généralisée des marchés cette semaine, même si la rumeur d’une autorisation de l’exportation de certains GPUs d’Nvidia vers la Chine permet de limiter la casse vendredi sur le Nasdaq.

En attendant la déclaration (retardée) de la COP 30, aperçu du marché des crédits carbone et des investissements associés.

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, les données de la Fed de Cleveland sur les licenciements vont dans le même sens que celles de Challenger, Gray & Christmas le 6 novembre : record en octobre. Seuls les chiffres de septembre sont publiés par le Bureau of Labor Statistics (à cause du shutdown), mettant en évidence des créations d’emplois non agricoles plutôt solides mais paradoxalement une augmentation du taux de chômage à 4,4% ; les inscriptions au chômage montrent une détérioration très graduelle mais incontestable du marché du travail. Le rapport d’emploi d’octobre sera fusionné avec celui de novembre et publié après la prochaine réunion de la Fed, ce qui diminue la probabilité d’une baisse de taux, du moins jusqu’aux dernières heures de la séance, où le gouverneur John Williams, proche de Powell, a rasséréné le marché en ouvrant la possibilité d’une position plus accommodante. Les indices d’activité des Fed régionales semblent indiquer une amélioration (rebond marqué du Philly Fed, plus modeste de l’indice de la Fed du Kansas), et le PMI composite global montre une accélération de la croissance.

Dans la zone €, la confiance du consommateur est stable en novembre (et donc toujours solidement ancrée en territoire négatif), les PMI aussi (en zone d’expansion pour les services, en contraction marginale pour le manufacturier).

Au Japon, le PIB du troisième trimestre, affecté par la baisse des exportations vers les Etats-Unis, affiche une contraction plus modérée que prévu, mais les indicateurs coïncidents ou avancés restent bien orientés (hausse marquée de la production industrielle de septembre, amélioration de l’activité en novembre avec un PMI composite de 52), et l’inflation poursuit son rebond (3% en octobre). Le premier ministre, après avoir créé un incident diplomatique avec la Chine, annonce un plan de relance de 112 Md$ qui, au vu de la performance de l’économie, semble superflu et pousse les taux à la hausse et le JPY à la baisse dans un premier temps.

La banque centrale chinoise laisse ses taux à un et trois ans inchangés, tandis que le gouvernement étudie de nouvelles mesures de soutien à l’immobilier.

Micro 🔬

Selon un sondage du Census Bureau américain, 13% des sociétés utilisent l’IA. Selon un sondage de Goldman Sachs, c’est 37%. Dans les conférences d’analystes, 47% des sociétés du S&P500 mentionnent la productivité liée à l’IA. Un peu de marketing, pour rien car les seuls titres bénéficiant boursièrement du thème (enfin, jusqu’à jeudi) sont ceux de sociétés impliquées dans l’infrastructure (les datacenters), pas celles dont l’IA est censée améliorer le chiffre d’affaires ou les coûts.

Les résultats d’Nvidia sont de nouveau exceptionnels : chiffre d’affaires en hausse de 62%, résultat net de 65%. L’objectif de CA de 65 Md$ pour le trimestre en cours est près de 5% au-dessus du consensus, représente dix fois les ventes d’il y a trois ans, et le groupe réitère qu’il a de la visibilité sur au moins 500 Md$ de commandes en 2025 et 2026, et que les dépenses en infrastructure IA devraient atteindre 3 à 4 000 Md$ d’ici 2030. Pendant la conférence des analystes, Jensen Huang prend les devants sur la question de la bulle : « There's been a lot of talk about an AI bubble. From our vantage point, we see something very different.” Selon lui, trois révolutions sont en place : calcul accéléré, IA générative et IA agentique. Reste que le marché ne s’inquiète pas de la croissance, mais de sa soutenabilité, en raison des investissements croisés des principaux acteurs du secteur et de la comptabilité complaisante des amortissements des GPUs notamment, et que la conférence des analystes ne répond pas à ces deux questions. Une de ces opérations a d’ailleurs été annoncée en début de semaine : Anthropic serait valorisée autour de 350 Md$ lors du dernier tour de financement, auquel participent Microsoft (Anthropic s’est engagée à lui acheter pour 30 Md$ d’Azure) et Nvidia (qui remplit également son carnet de commandes au passage). La baisse du titre est néanmoins enrayée vendredi par des rumeurs sur une autorisation à l’export vers la Chine des puces H 200.

Les CDS d’Oracle mettent en évidence les doutes du marché : la valeur de ces instruments, qui permettent de « s’assurer » contre un défaut d’une société sur sa dette, a triplé en quelques mois (la société a levé récemment 38 Md$ pour financer des datacenters).

Meta remporte son procès anti-trust aux Etats-Unis (sur les acquisitions d’Instagram et Whatsapp).

Pour le deuxième trimestre d’affilée, Walmart relève ses objectifs de chiffre d’affaires et de résultat, notant des gains de part de marché chez les consommateurs recherchant des prix bas. Son concurrent Target, dont l’assortiment inclut plus de catégories discrétionnaires, déçoit encore avec des ventes en baisse, en raison d’un consommateur prudent et d’une image plus haut de gamme. Le groupe a annoncé de nouvelles baisses de prix. Dans ce secteur, la tendance est claire : les droits de douane ne se répercuteront pas dans l’inflation mais dans les marges.

Abbott s’offre Exact Sciences, une société américaine de diagnostic moléculaire spécialisée dans la détection précoce du cancer, pour 21 Md$. Exact Sciences commercialise un test de dépistage du cancer colorectal non invasif, ainsi qu’un test permettant d’orienter le traitement du cancer du sein et de prédire le risque de récidive, et développe des biopsies liquides (détection de différents cancers par une prise de sang). Le titre faisait partie de notre panier Innovations médicales.

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La minute innovation 🧚🏻

La Chine est parvenue à convertir le thorium en uranium, ouvrant la voie à une énergie nucléaire sans contrainte de ressources, le thorium étant beaucoup plus répandu que l’uranium.

En Chine toujours, l’université de Tsinghua produit (beaucoup) plus de brevets dans le domaine de l’intelligence artificielle qu’Harvard ou le MIT depuis 2009.

Google lance Gemini 3, qui au dire des spécialistes surpasse tous ses concurrents. La société lance aussi cette semaine Nano Banana Pro pour la création visuelle.

Le VC Atomico publie son State of European Tech annuel. On y apprend que l’écosystème tech européen représente 15% du PIB (4% en 2016), que l’investissement dans les startups repart (timidement) à la hausse mais ne représente toujours que 20% de l’investissement fait aux Etats-Unis, que 18% seulement des fondateurs trouvent l’environnement politique favorable (surprise surprise), et que les trois principaux freins au développement sont la fragmentation du marché, les taxes et l’accès aux marchés de capitaux. Le rapport, Europe must define its future on its own terms, est téléchargeable ici.

Jeff Bezos lance Project Prometheus, une startup IA spécialisée dans l’ingénierie et la production, dotée de 6,2 Md$ et près de 100 employés débauchés chez OpenAI, DeepMind et Meta. Il en sera co-DG avec le physicien Vik Bajaj.

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Carbonomics 🤯

L’Amazonie, plus grand puits de carbone au monde, est voisine de Belem, où se tenait une COP 30 dont on attend toujours la déclaration finale, et qui a ouvert sur une contestation de certains pays des crédits et des taxes carbone.

Un crédit carbone représente l’évitement ou l’enlèvement d’une tonne de CO2. Pour mobiliser les capitaux vers la décarbonation et inciter pays et entreprises à agir ont été établis des marchés de ces crédits, qui leur confèrent une valeur financière. Il existe deux types de marchés : les marchés de conformité, et les marchés volontaires. Sur les marchés de conformité, les entreprises sont obligées par la loi ou la réglementation à respecter des quotas d’émissions ou à acheter des crédits ; il y en a une trentaine dans le monde, le plus ancien et le plus important étant l’EU Emissions Trading System). Sur les marchés volontaires, des entreprises ou des individus achètent volontairement des crédits pour compenser leurs émissions ; ces crédits sont émis lorsqu’une entité met en place un projet de type reforestation, énergie renouvelable ou capture de méthane, et sont annulés lorsqu’ils sont achetés.

La formation du prix est complexe. Sur les marchés réglementés, en secondaire (c’est-à-dire une fois les quotas alloués via de enchères), il dépend de la rareté imposée par le législateur, qui peut comme la Californie imposer un prix plancher et un prix plafond, ou comme l’EU-ETS ou la même Californie réduire son plafond d’émissions annuellement, comme le protocole de Satoshi réduit le nombre de bitcoins émis au fil du temps. Il peut aussi intégrer des mécanismes de stabilisation : l’EU-ETS comporte une réserve de stabilité qui retire ou ajoute automatiquement des quotas quand l’offre excède la demande et inversement, et un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour les importations à partir de 2026. Sur le marché volontaire, c’est la jungle. La tonne de carbone vaut donc en ce moment environ 80€ en Europe (prix des contrats futures d’échéance décembre), 30$ en Californie, 8$ en Chine, et de quelques $ à 500$ sur le marché volontaire en fonction de la complexité et du risque du projet.

Du point de vue de l’investisseur, au-delà de l’impact présumé favorable sur l’environnement (il y a débat), on pourrait estimer que l’augmentation des objectifs climatiques et la poussée réglementaire ne peuvent que pousser ces instruments à la hausse. En réalité, ils stagnent depuis trois ans.

 Il peut s’exposer aux crédits volontaires via certaines plateformes, avec quelques caveats : pour être valides, les crédits doivent provenir de projets additionnels (i.e. qui n’auraient pas été mis en œuvre sans ces financements), permanents (si les arbres brûlent après la reforestation, ça ne vaut pas), et avoir été dûment vérifiés (s’ils sont retoqués a posteriori, vous avez acheté du First Brands Group avant la faillite). Aussi sécurisant qu’un club deal immobilier.

Les marchés de conformité, plus transparents et plus liquides, ne sont pas accessibles aux particuliers, sauf via des ETF qui suivent les contrats à terme sur les quotas des principaux marchés globaux (KraneShares Global Carbon Strategy et WisdomTree Carbon) ou de l’UE (KraneShares European Carbon Allowance Strategy), ou des ETC, qui détiennent des quotas réels (HANetf SparkChange Physical Carbon EUA et UBS European Physical Carbon). Ils réunissent des encours allant de moins d’1 M€ d’UBS à environ 150 M€ pour le KraneShares Global.

Inutile de dire que si votre objectif est de compenser vos émissions par vos investissements, il faut miser sur les ETF physiques. Ils sont petits, donc gare à la liquidité. Sinon, plantez des arbres ou achetez des carburants d’aviation renouvelables auprès de votre compagnie aérienne, vous recyclerez de l’huile de cuisson, c’est plus concret.

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Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.