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Comparaison n'est pas raison
Semaine stable pour le marché européen, en hausse aux Etats-Unis où les données macro suivent les tendances récentes tandis que le bitcoin atteint de nouveaux sommets.
Les résultats d’Nvidia laissent les investisseurs hésitants : l’IA sera-t-elle bientôt capable de raisonner ou, ayant déjà utilisé toutes les données existantes, est-elle sur un plateau transitoire ?
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, l’indice de confiance des promoteurs immobiliers s’améliore, les permis de construire et les mises en chantier fléchissent, les ventes de maisons existantes se redressent un peu. Les enquêtes manufacturières restent mal orientées (Fed de Philadelphie et de Kansas City) et le PMI manufacturier est toujours en contraction (48,8). Le PMI des services augmente notablement à 57. De nouveau, les inscriptions hebdomadaires au chômage sont à peu près stables à 213 000, toujours sur les niveaux prépandémie même si certains indicateurs comme le nombre de démissions pointent sur une légère dégradation du marché du travail. L’indice de confiance du consommateur (Michigan) baisse sensiblement. Une émission de dette à 20 ans rencontre une demande faible, entraînant les taux longs à la hausse.
Dans la zone €, l’indice des prix à la consommation remonte en octobre (2% annualisé). La confiance des consommateurs baisse plus que prévu en novembre, restant en-dessous de sa moyenne sur longue période. Le PMI manufacturier reste en zone de contraction (45,2), le PMI des services y retourne (49,2). Christine Lagarde se prononce en faveur d’une Union des Marchés de Capitaux pour lutter contre le déficit de financement de l’innovation par rapport aux Etats-Unis. Le rapport sur la stabilité financière de la BCE note des vulnérabilités élevées (croissance économique fragile, valorisation et concentration élevées des marches, incertitudes politiques et fiscales et risque de crédit dans certains segments de la dette privée et corporate).
Le gouverneur de la banque centrale du Japon relance le suspense sur une prochaine hausse des taux, hypothèse confortée par la publication d’une hausse des prix à la consommation un peu supérieure aux attentes à 2,3%, soutenant le yen. Exportations (+3,1%) et importations (+0,4%) accélèrent en octobre.
Le bitcoin approche les 100 000$ (plus sur ce sujet dans la section suivante).
Micro 🔬
Comme suite au jugement de cet été concluant que Google avait violé la loi anti-trust dans les moteurs de recherche et la publicité, le DoJ et un certain nombre d’Etats américains requièrent la cession de Chrome, l’octroi de licences à ses concurrents sur ses données, y compris celles de YouTube, l’interdiction d’opérer des acquisitions dans le search ou la publicité digitale, y compris celles basées sur l’IA, et, si ces premières injonctions n’étaient pas respectées, la cession d’Android. Sévère. Google répliquera le mois prochain (arguments ici), s’ils perdent il nous restera toujours Bing (Microsoft).🙄Ou le navigateur qu’OpenAI envisagerait de développer.
Détenir du bitcoin me semble aussi sensé que de stocker des bouteilles de vin, des montres de marque voire de l’or, mais l’acheter plus cher via une société de software est incongru. MicroStrategy, une société affichant environ 500 M$ de CA et 90 Md$ de capitalisation boursière, décroche brièvement cette semaine sur la publication d’un rapport du short seller Citron Research. Cela tempère un peu la hausse (plus de 500% cette année) causée par l’annonce en début de semaine de l’achat de 50 000 bitcoins, portant ses avoirs en crypto à 30 Md$. Si son patron peut être qualifié de visionnaire pour avoir placé sa trésorerie en bitcoins dès 2019 (les DAF raisonnables jugeront), l’accueil enthousiaste réservé par les investisseurs à sa stratégie (annonce fin octobre de levées de 42 Md$ d’ici 2027 pour acheter du bitcoin) laisse perplexe. On peut acheter du bitcoin via des ETF et les options ont été autorisées cette semaine, pourquoi le payer 3 à 4 fois son prix via l’action ? L’effet de levier fonctionnant à la baisse comme à la hausse, Citron est long bitcoin short MicroStrategy. Rationnel, mais un autre fonds a fait le même pari en mars, avec les mêmes arguments, et pour l’instant l’exubérance irrationnelle lui coûte cher.
Les titre liés au conglomérat indien Adani Group (qui compte 6 titres dans le Nifty 50) avaient presque récupéré de la baisse engendrée par l’attaque du short-seller Hindenburg, mais baissent fortement cette semaine à l’annonce de l’annulation d’une émission obligataire de 600 M$, alors que la justice américaine inculpe son président, l’un des hommes les plus riches du monde, pour fraude et corruption. Il aurait versé des pots-de-vin à hauteur de 265 M$ à des officiels indiens pour obtenir des contrats dans l’énergie photovoltaïque. Le difficile chemin vers les énergies propres…
C’était la semaine des publications de distributeurs, et Walmart se porte bien, enregistrant des ventes trimestrielles en hausse de 5,5%. La part de l’e-commerce (destiné à rivaliser avec Amazon) atteint 18% des ventes et croît de plus de 25% (donc plus vite qu’Amazon, même si la base est plus petite), et l’évolution de l’assortiment vers plus de consommation discrétionnaire (plus cyclique mais mieux margée) porte ses fruits. Au détriment de Target, dont c’est historiquement la spécialité, et qui applique à ses investisseurs son slogan Expect more, pay less (-20% environ sur la publication).
La minute innovation 🧚🏻
xAI lève 5 Md$ sur une valorisation de 50 Md$ (x2 en six mois).
La fintech Revolut (50 millions de clients et une valorisation de 45 Md$ lors d’une vente en secondaire cette semaine) envisage de déposer un nouveau dossier d’agrément d’établissement bancaire aux Etats-Unis, après un échec en 2021. Elle l’a obtenue au UK cette année.
Après avoir démontré les vertus de l’effort pour la santé mentale chez le rat (en lui faisant conduire un véhicule, si si c’est sérieux), une équipe de recherche montre l’effet des anticipations positives sur leur cerveau.
Le secteur technologique en Europe compte plus de 3,5 millions de salariés, a enregistré 400 Md€ d’investissements au cours des dix dernières années, dix fois plus qu’au cours de la décennie précédente mais trois fois moins qu’aux Etats-Unis, et compte 358 licornes : atomico, State of European Tech 24.
Comparaison n’est pas raison 🃏
Nvidia fait le marché, et la publication très attendue de ses résultats trimestriels le laisse avec quelques interrogations. Rien à dire sur les chiffres : 94% de croissance de chiffre d’affaires par rapport au même trimestre de l’année précédente, +17% par rapport au T2 ; la croissance est tirée par la division datacenters, qui représente désormais 88% du CA ; la marge brute est stable par rapport à la même période en 2023 à 75%, et le résultat net double. Pour le prochain trimestre, le chiffre d’affaires est attendu en hausse de 5 à 9% en séquentiel, la marge brute à 73,5%.
La baisse initiale du titre sur la publication est très modeste, surtout comparée au parcours antérieur, mais reflète quelques interrogations. Tout d’abord, le nouveau GPU Blackwell, qui compte plus de deux fois le nombre de transistors de la génération actuelle (Hopper), est en production, mais la trajectoire initiale est incertaine : alors que ses ventes devaient dépasser celles de Hopper dès le mois d’avril 2025 dans de précédentes communications, la société n’a pas confirmé cette date lors de la conférence accompagnant les résultats, tout en insistant sur le fait que la production était supérieure à ses projections (non divulguées), et que la demande était très supérieure à l’offre. Elle ne s’est pas engagée non plus sur une poursuite de la croissance séquentielle de Hopper au prochain trimestre. Enfin, elle a précisé que le lancement pèserait dans un premier temps sur la marge brute, susceptible de baisser jusqu’à 71%, avant de revenir vers 75% au deuxième semestre de l’année prochaine.
Les deux prochains trimestres sont donc plus incertains, en termes de croissance de chiffre d’affaires et de résultats. Un détail compte tenu de l’opportunité de marché ? Nvidia estime que la base installée de datacenters dans le monde représente à date un investissement de 1000 Md$, et qu’avec l’IA celui-ci devra au moins doubler à relativement court terme. Ses ventes dans ce secteur devraient représenter de l’ordre de 110 Md$ cette année, et la concurrence est encore à la traîne, donc le potentiel est là.
En revanche, certains se posent la question de l’atteinte d’un plateau dans le développement des grands modèles de langage. Si Sam Altman déclare toujours que l’IA générale est pour 2025, The Information a relevé récemment que le prochain modèle d’OpenAI, Orion, qui ferait l’objet d’un lancement limité en décembre, ne faisait pas beaucoup mieux que GPT-4. Les effets d’échelle diminueraient parce que les données existantes (générées par les humains) ont déjà été utilisées. La prochaine étape implique que l’IA raisonne, ce que le modèle o1, dont fait partie Orion, semble faire, de même que le modèle chinois DeepSeek, mais il est un peu tôt pour juger.
Jensen Huang a partiellement répondu à la question pendant la conférence de présentation des résultats en déclarant que le pre-training (l’exposition du modèle d’IA à de vastes quantités d’information), qui représente la phase la plus consommatrice en puissance de calcul, avait atteint un plateau, mais que la croissance reposait désormais sur le post-training (le perfectionnement du modèle), initialement opéré par des humains, de plus en plus par l’IA elle-même, et l’inférence (le raisonnement à proprement parler). Huang estime que post-training et inférence vont prendre le relais pour soutenir la demande de puissance de calcul.
Là encore, la demande à long terme ne fait guère de doute, mais une phase de transition n’est pas exclue.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.