Créances douteuses

Dettes publiques

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Les marchés reculent en raison d’un nouvel accès de fureur douanière en fin de semaine. Les indices américains sont particulièrement pénalisés, alors que l’avancée du Big Beautiful Act inquiète les créanciers des Etats-Unis.

Quelles sont les conséquences de la flambée des dettes publiques dans le monde ?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, alors que le thème de la défense, évoqué dans notre dernière édition, revient sur le devant de la scène avec la commande d’un nouveau jouet clinquant, le dôme d’or, pour 175 Md$, la chambre basse valide jeudi le One Big Beautiful Act (sic) et les investisseurs obligataires sanctionnent. Nous revenons sur le sujet dans le dernier paragraphe. Les demandes de prêts hypothécaires baissent sensiblement (le taux à 30 ans est toujours proche des 7%). Les indices d’activité sont plutôt encourageants, avec notamment un rebond du PMI composite en première lecture pour mai et des inscriptions au chômage toujours stables à un niveau très modéré. I don’t agree we’re in a sweet spot: Jamie Dimon, CEO de JP Morgan, craint la stagflation. Les consommateurs aussi : l’enquête de l’université du Michigan révèle qu’ils estiment que l’inflation dépassera les 11% à horizon 1 an.

Dans la zone €, les nouvelles de la semaine sont plutôt moroses, sauf peut-être sur les taux (cf le dernier paragraphe). L’inflation d’avril est revue à la hausse en dernière estimation (2,7%), la confiance du consommateur est un peu moins négative que prévu mais reste à des niveaux faibles, et le PMI composite de mai enregistre une baisse inattendue, repassant en zone de contraction. La Commission européenne revoit à la baisse ses attentes de croissance : 0,9% pour la zone € (contre 1,3% il y a six mois). Pour la France, c’est 0,6% (0,8% auparavant). Trump appelle l’Europe à consentir des réductions de droits de douane unilatérales ou à faire face à un taux de 20%, qui monte à 50% vendredi (échéance : 1er juin). The bully’s back.

Au Japon, le principal événement macro est la hausse des taux longs, sur laquelle nous revenons dans le thème de la semaine. L’indice Tankan du climat des affaires se replie légèrement en mai, les entreprises citant l’impact des droits de douane. Le PMI composite de mai déçoit en première lecture, passant sous la barre des 50, à cause du ralentissement des services, et l’inflation reste stable à 3,6% en avril. Trump a appelé le premier ministre pour parler droits de douane, et les négociations pourraient se conclure en juin.

En Chine, la production industrielle ralentit moins que prévu, les prix des maisons baissent toujours mais la tendance s’améliore, et le taux de chômage passe de 5,2% en mars à 5,1% en avril. Les consommateurs restent néanmoins prudents, avec des ventes au détail en léger ralentissement. Le gouvernement annonce une (petite) baisse des taux et étudie de nouvelles mesures de soutien ciblées sur l’emploi pour juin.

Le 22 mai est le Bitcoin Pizza Day, commémorant la première transaction en bitcoins il y a 15 ans, pour deux pizzas au prix de 10 000 btc. De quoi relativiser les 40% enregistrés depuis la pause dans la guerre commerciale du 8 avril dernier, en raison de la reprise des flux vers les ETF, des achats opérés par Stragey, et de l’avancée de la réglementation sur les stablecoins. Dimon autorise finalement les clients de JPM à en acheter.

Micro 🔬

Jensen Huang appelle la Maison Blanche à baisser les barrières douanières érigées contre les exportations de semiconducteurs. Le patron d’Nvidia argue du fait que si les entreprises américaines ne peuvent vendre aux Chinois ce dont ils ont besoin, les locaux, comme Huawei, en sortiront renforcés.

Trump menace de nouveau Apple de taxer à 25% les iPhones produits en dehors des Etats-Unis. La société était en train de déplacer sa production de la Chine vers l’Inde, mais cela ne va pas suffire. Reste à reproduire les usines de Foxconn aux Etats-Unis : 300 000 employés sur 5,6 millions de mètres carrés pour celle de Zhengzhou, surnommée « iPhone City ». Quant à construire une usine entièrement automatisée, à condition que cela soit possible, cela supposerait d’acheter beaucoup de machines…chinoises.

Les résultats de la distribution sont impactés par l’environnement économique mais restent largement le fruit de trajectoires individuelles. Target, qui est à Walmart ce que Monoprix est à Leclerc, publie un chiffre d’affaires trimestriel en baisse de 3%, impacté par les droits de douane, les inquiétudes des consommateurs, et les réactions négatives consécutives à l’abandon de ses politiques de diversité, et réduit son objectif de croissance annuel. Deckers (Ugg, Hoka) perd plus de 20% en raison du net ralentissement de la croissance de chiffre d’affaires, et ne communique pas d’objectifs annuels à cause de l’incertitude sur le commerce mondial. A contrario, Urban Outfitters (propriétaire également des marques Anthropologie et Free People) s’offre près de 20% de hausse sur la semaine grâce à des résultats supérieurs aux attentes et ne mentionne même pas les droits de douane dans son communiqué. Ralph Lauren poursuit son redressement avec un chiffre d’affaires en hausse de 8% et une marge opérationnelle en hausse significative et anticipe une nouvelle progression lors de son prochain exercice annuel, mais plus modeste en raison de l’environnement global et des droits de douane. Enfin, Home Depot (produits pour la rénovation résidentielle) publie des résultats en demi-teinte mais maintient ses objectifs annuels et déclare ne pas prévoir d’augmenter ses prix, ce qui serait difficile de toute façon vu la situation du marché de l’immobilier.

LVMH ferait passer le message à ses investisseurs que les tendances du deuxième trimestre ne sont pas flamboyantes, en particulier en Chine. Chanel (non cotée) communique une baisse des ventes de 4% (-7% en Chine) sur l’année 2024, et un résultat opérationnel en baisse de 30%.

La cyberattaque qui a frappé Marks & Spencer pourrait lui coûter plus de 400 M$.

La minute innovation 🧚🏻

Au sein du projet Star Compute, la Chine lance le premier super-ordinateur spatial : une douzaine de satellites, les premiers d’une constellation de 2 800 qui formeront un super-ordinateur 600x plus puissant que son homologue terrestre américain El Capitan ou le Colossus 2 dévoilé également cette semaine par Musk.

OpenAI annonce l’acquisition d’io, la startup cofondée par l’ancien designer d’Apple Jony Ive, pour 6,5 Md$ (en titres certes, mais joli ROI un an après création 😲). Objectif : lancer des appareils (mystérieux, a priori ni téléphone ni smartglasses) interagissant avec l’IA en 2026.

Je ne sais pas si ça rentre dans les blagues de geeks, mais si ne voyez pas bien l’importance (et la difficulté) de l’UI (user interface ou interface utilisateur), je vous conseille ces (contre)-exemples hilarants.

Les Google Glasses reviennent, avec Android XR : démo dans cette vidéo (à partir de la quatrième minute).

Environnement de marché trop complexe ? Si vous souhaitez creuser nos hypothèses et thèmes d’investissement, rendez-vous ici.

Créances douteuses 💸

Retour sur un thème macro, actualité oblige : la dette. Le taux des emprunts d’Etat américains à 30 ans dépasse cette semaine les 5%, alors que l’adjudication de dette à 20 ans rencontre une demande décevante. Les investisseurs obligataires ne cautionnent pas le One Big Beautiful Bill Act validé par la chambre basse : il étend les baisses d’impôts de Trump 2017, qui devaient expirer à la fin de l’année, en ajoute d’autres (dont la déductibilité des intérêts sur les emprunts destinés à l’achat de voitures fabriquées aux Etats-Unis), et annule les crédits d’impôts pour les véhicules électriques et les projets énergies propres implémentés par l’administration Biden en 2022. A contrario, le projet de loi, qui doit encore passer devant le Sénat, augmente l’impôt sur les plus-values des fonds d’investissement des universités et surtout coupe les dépenses d’assistance médicale (Medicaid) et alimentaire destinées aux plus démunis. Sans surprise, ses principaux bénéficiaires figurent dans le top 1%.

Le coût total est estimé entre 3 800 et 5 000 Md$ sur 10 ans. Environ deux fois ce que les droits de douane pourraient rapporter, et venant s’ajouter à un stock de dette de près de 37 000 Md$. 124% du PIB, entre la France et l’Italie au classement général. Avec une tendance clairement haussière comme illustré ici.

Est-ce un cas isolé ? La Chine, facialement mieux placée avec une dette sur PIB de l’ordre de 65%, est plus proche de 130% si l’on réintègre la dette des gouvernements locaux. Le Japon détient la médaille d’argent mondiale (235%), et cette semaine le taux des emprunts d’Etat à 30 ans suit la même trajectoire qu’aux Etats-Unis et casse la barre des 3%. Et, comme aux Etats-Unis, l’adjudication du 20 ans rencontre un accueil médiocre. Avec l’aide de la gaffe du premier ministre, qui compare la situation de son pays à celle de la Grèce. Au UK, ce même taux touche un plus-haut depuis 1997.

Ce que mettent en exergue les mouvements de cette semaine, au-delà d’un endettement incontrôlé, c’est l’importance du créancier. Au sein de l’OCDE, la dette souveraine est détenue majoritairement par les investisseurs étrangers, avec 34% du stock en 2024, contre 31% pour les institutions financières, 19% pour les banques centrales (c’était 29% en 2021), et 11% pour les ménages. Les Etats-Unis sont dans la moyenne : 31% de détention étrangère (c’était 50% en 2008), le Japon nettement au-dessous (13%), la Chine également (5%). Le Japon est le premier créditeur des Etats-Unis, la Chine vient de passer en troisième position derrière le UK. S’ils devaient choisir de soutenir leurs propres obligations, ils pourraient se délester encore de leurs bons du Trésor américains.

La dette américaine est désormais moins bien notée que celle de 10 pays, dont 3 pays européens. Et pour une petite dose d’exceptionnalisme européen : l’Europe est AAA, grâce aux pays du Nord, et sa dette est détenue hors Europe à hauteur de 20% environ.

Les Etats-Unis paient depuis des décennies leur frénésie de consommation en empruntant à l’étranger, grâce au statut de monnaie de réserve du $ et de garant de la paix mondiale du pays. Une analyse qui peut sembler simpliste, mais moins que celle d’un président qui s’appuie sur le seul déséquilibre de la balance commerciale des biens pour changer les règles du jeu. L’environnement reste donc peu lisible (on ne sait pas plus prévoir l’éclatement d’une bulle de la dette que d’une bulle des actions), mais on pourra continuer à se méfier des obligations à duration longue et du $, contre € et pour les plus aventureux contre JPY.

 Prochaine édition le 6 juin.

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Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.