Equilibres

Un chiffre d’inflation marginalement inférieur aux attentes et surtout l’approche de l’investiture de Trump permettent au S&P 500 de signer sa meilleure performance hebdomadaire depuis son élection, entraînant les marchés européens.

Assistera-t-on à un rééquilibrage des performances en 2025 ?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, les prix à la consommation en décembre affichent une hausse de 2,9% (après 2,7% en novembre) ; l’inflation sous-jacente ressort 0,1% au-dessous des attentes à 3,3%, un écart suffisant pour faire rebondir les marchés, qui réhaussent la probabilité d’une baisse de taux dès le mois mars, d’autant que des rumeurs sur des augmentations de droits de douane étalées dans le temps diminuent les craintes sur leur effet inflationniste. Dans l’immobilier, à noter le rebond de l’indice NAHB (construction), des permis de construire et des mises en chantier. Côté consommation en revanche, les ventes au détail déçoivent. Trump aurait fait préparer cent décrets pour ses premiers jours au pouvoir, dont un faisant de la crypto un impératif national.

En première estimation, le PIB allemand se contracte pour la deuxième année consécutive en 2024, à – 0,2%. Les prix à la consommation augmentent de 2,4% en décembre en lecture finale, après 2,2% le mois précédent. La Commission Européenne ne modifiera pas son programme d’émission d’obligations vertes pour se conformer au tout nouveau standard européen pour les obligations vertes, jugé par la plupart des intervenants coûteux et trop restrictif.

Une hausse de taux de la Banque du Japon est attendue la semaine prochaine.

La croissance des exportations chinoises en fin d’année accélère à près de 11% (dernière salve avant l’investiture de Trump ?), celle des importations revient en territoire positif (+1%). La croissance du PIB du T4 surprend à la hausse (5,4% annualisé), validant l’objectif de 5% pour l’année, et la production industrielle et les ventes au détail sont supérieures aux attentes, de même que la croissance des prêts : peut-être les premiers effets des plans de relance.

Les sanctions contre l’industrie pétrolière russe annoncées par l’administration Biden en fin de semaine dernière continuent de porter le prix du pétrole, tandis que les équipes de Trump prépareraient un nouveau train de sanctions contre la Russie, l’Iran et le Venezuela de nature à infléchir l’offre de pétrole. Le dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie constate une demande supérieure aux prévisions au dernier trimestre 2024, en raison notamment du froid dans l’hémisphère nord.

Micro 🔬

Malgré des ventes en baisse en 2024, Tesla vend désormais plus de véhicules que Volkswagen.

Les grandes banques américaines publient des résultats record, portés notamment par le rebond des activités de banque d’investissement et par des revenus de trading favorisés par la volatilité sur les actions et les obligations (meilleur T4 de l’histoire pour cette division chez JP Morgan). Et c’est avant même l’arrivée de Trump. Même Jamie Dimon, le boss de JP Morgan, semble enthousiaste (Businesses are more optimistic about the economy, and they are encouraged by expectations for a more progrowth agenda and improved collaboration between government and business), même s’il s’inquiète des effets inflationnistes de la nouvelle administration et de l’environnement géopolitique.

Une rumeur d’acquisition d’Intel diffusée dans une newsletter tech entraîne une hausse de près de 10% du titre.

La Cour Suprême confirme l’interdiction de TikTok, et Biden laisse à son successeur le choix de suspendre ou non l’exécution. L’application ne sera plus accessible aux Etats-Unis dimanche, en attendant la décision de Trump.

La Maison Blanche décrète de nouvelles limites sur les exportations de puces d’intelligence artificielle avancées.

Moderna taille à la hache dans ses objectifs de chiffre d’affaires 2024 et 2025. La société fait face au déclin (pas complètement inattendu) de ses ventes de vaccins contre la covid, à un décollage décevant du vaccin contre le virus respiratoire syncytial (pas complétement inattendu non plus), et surtout à des progrès ténus dans le développement de ses vaccins à ARN contre certains cancers et maladies rares.

Le titre Richemont prend 16%, entraînant le secteur du luxe, le jour de l’annonce de ventes en hausse de 10% au T4 grâce à une progression à deux chiffres dans toutes les zones sauf l’Asie Pacifique (Chine -18%).

Le Suisse SGS, principale participation de GBL (Groupe Bruxelles Lambert) discuterait d’une fusion avec le Français Bureau Veritas (filiale de Wendel) pour créer un géant mondial de la certification et des contrôles.

Les minières Rio Tinto et Glencore auraient tenu des discussions préliminaires sur un rapprochement.

A l’heure où le non coté devient obligatoire en assurance-vie, l’AMF publie une étude des performances des fonds distribués en France et constate une forte dispersion des rendements (un doux euphémisme).

La minute innovation 🧚🏻

L’académie Nvidia regorge de programmes, à commencer par l’IA pour tous, en 2h30, et à partir de la page 23 de ce lien pour de nombreux cas d’usage.

Woven City, la ville futuriste construite par Toyota afin de tester ses nouvelles technologies, accueillera les premiers de ses 2000 résidents à l’automne.

Just for fun : l’assistant anti-doomscrolling qui fait apparaître la tête de Zuck si vous traînez trop sur les réseaux sociaux.

Environnement de marché trop complexe ? Si vous souhaitez creuser nos hypothèses et thèmes d’investissement, rendez-vous ici.

Equilibres

Les thèmes d’investissement de 2024 évoqués la semaine dernière seront-ils ceux de 2025 ?

🗺️ Le consensus attend 3,1% de croissance du PIB mondial en 2025, à peu près en ligne avec 2024. 2,1% pour les Etats-Unis, 1,2% pour l’Europe et le Japon, 4,5% pour la Chine ; en ligne avec la croissance moyenne des 20 dernières années pour l’Europe et les US, en accélération pour le Japon, en ralentissement pour la Chine. Inflation se rapprochant des 2% ; banques centrales accommodantes préparant 2 (US, à partir de mars voire juillet) à 4 (Europe, au premier semestre) baisses de taux directeurs ; taux longs qui pourraient s’ancrer à une nouvelle normale autour de 3% et repentification de la courbe ; enfin, un niveau d’incertitudes au moins équivalent à 2024 (Trump 2025 vs nombre record d’élections dans le monde en 2024) : le cadre est posé. Quant à la croissance des bénéfices des entreprises, elle est attendue à +12% globalement.

🍔 Pour le S&P 500, la médiane des prévisions de 25 stratégistes compilée par Bloomberg est de 6600, soit un gain de 12%. Sur une progression des bénéfices de 14%, cela implique une valorisation largement inchangée. Ce niveau de croissance implique une accélération sur 2024, malgré la hausse du $ qui va pénaliser les exportatrices. Alors, même si baisses d’impôts et déréglementation vont pérenniser l’exceptionnalisme américain, hors nouvelle accélération sur l’IA ou récession mondiale, la surperformance des US pourrait être moins marquée. Les domestiques sont plus isolées d’éventuelles représailles dans le cas d’une guerre commerciale, les small caps sont très décotées, attention quand même à leur dette si les taux longs devaient poursuivre leur ascension. La tech en général, l’IA en particulier ? Domination sans doute incontestable à long terme (conjointement avec la Chine), période de transition probable à court terme : on peut envisager un élargissement de la performance au reste de la cote, comme en juillet dernier.

Si la réduction de l’écart de croissance entre les Etats-Unis et l’Europe se matérialise (en 2024, le PIB américain a crû trois fois plus vite que le PIB européen, en 2025 sur le consensus actuel on serait à moins de deux fois), on pourrait assister à une réduction de l’écart de performance entre les actions des deux zones. Cela requiert un peu de wishful thinking tant les divergences entre les économies des deux côtés de l’Atlantique sont grandes (à l’exception peut-être de l’excédent de dette publique). Les bénéfices des entreprises cotées de la zone € sont attendus en hausse de 8% en 2025, leur valorisation affiche une décote historique, ce n’est pas un argument suffisant mais avec un catalyseur (révisions à la hausse grâce à l’impact de la hausse du $ sur les exportatrices, levée du frein à l’endettement de l’Allemagne ?), on peut tenter, sans excès dans un premier temps, le retour à la moyenne. Le principal risque, en dehors de la pauvreté des politiques nationales et européennes, délétère pour les entreprises domestiques, réside dans une hausse des droits de douane US qui pénaliserait les exportatrices et dans les élections allemandes.

🗻 Investir dans un pays à la dette record et à la population déclinante n’est pas évident, mais ce privilège japonais s’étend graduellement à nombre de pays de l’OCDE et n’est plus vraiment discriminant. Avec une croissance du PIB en accélération et similaire à celle de la zone €, des bénéfices attendus en hausse de 10%, un agenda de réformes de la gouvernance des sociétés cotées respecté à ce stade, et une valorisation raisonnable, le marché actions japonais est intéressant. Certes, la banque centrale est à contre-courant et les taux directeurs devraient graduellement se rapprocher de 1%, mais ce n’est pas de nature à faire dérailler la croissance. En revanche, cela pourrait entraîner une correction de la forte sous-évaluation du JPY, donc attention aux exportatrices (et aux marchés globaux, voir la section risques).

🐍 Investir dans un pays au gouvernement autoritaire, à la population vieillissante, prochaine cible de droits de douane astronomiques de la part des US, au bord de la déflation et très endetté au niveau local, n’est pas évident non plus. En contrepoint, des investissements massifs dans l’innovation, un virage de la production vers la consommation qui se profile à l’horizon, de premières mesures de relance en 2024 qui pourraient commencer à porter leurs fruits, d’autres probablement à venir une fois quantifié le risque Trump (probablement moindre qu’attendu) sur les exportations, une valorisation proche des plus-bas en relatif aux marchés mondiaux, et une accélération de la croissance des bénéfices (9%) attendue par le consensus.

Le prix du bitcoin est exclusivement formé par la demande, et comme pour l’or (en encore moins transparent), on en est réduit à suivre les achats des banques centrales et des ETF. Côté banques centrales, une initiative visant à obliger la banque nationale suisse à répartir ses réserves entre or et bitcoin a 18 mois pour recueillir 100 000 signatures afin de lancer un référendum pour modifier la loi. 13 Etats américains envisagent d’établir une réserve stratégique ; au niveau fédéral, même si le marché attend un décret le jour de l’investiture, l’incorporation du bitcoin aux réserves suppose une majorité à la chambre des députés. Un certain nombre de pays auraient accumulé des bitcoins au cours des derniers mois, au cas où les Etats-Unis décideraient de son institutionnalisation définitive (et de la perte du statut de monnaie de réserve mondiale du $ ? Be careful what you wish for). Côté ETF, la collecte massive de 2024 est suivie pour l’instant d’une décollecte (modeste) depuis mi-décembre. Je m’en tiens au jugement exprimé ici.

Plus le temps de traiter l’or, pour lequel j’ai plus de mal à me faire une conviction à ces niveaux, le pétrole mérite d’être étudié, de même que certains métaux.

💡On peut diversifier géographiquement en investissant dans des thèmes transversaux. Exemples : la réorganisation des chaînes de production, la transition énergétique (hors éolien, exclu par Trump la semaine dernière), le vieillissement, les infrastructures, notamment électriques (pour leur lien avec le thème de l’IA), la consommation chinoise, la sécurité.

☣️Enfin, quels sont les principaux risques ?

La concentration extrême du marché américain : il faut un catalyseur pour un sell-off, le plus évident reste une déception sur les résultats d’Nvidia, ou une prise en compte insuffisante par le consensus de l’impact des investissements dans l’IA des hyperscalers sur leurs résultats. Ainsi qu’une éventuelle constatation que l’impact de l’IA sur l’économie mettra un moment à se matérialiser.

Le retour des bond vigilantes, comme en début d’année. Les économies d’impôts voulues par Trump alourdiront la dette, tandis que Musk est revenu la semaine dernière sur les 2000 milliards d’économies de coûts de son Department Of Governement Efficiency, prévoyant au mieux d’en faire deux fois moins. En Europe, ils pourraient sanctionner tout écart en France ou en Allemagne. Négatif pour les actions, encore plus pour les obligations, à haut rendement notamment.

En corollaire du précédent, le retour de l’inflation (droits de douane, freins à l’immigration, hausse des prix de l’énergie).

Et en vrac, une hausse du JPY accompagnée d’un débouclage du carry trade, une guerre commerciale, un effondrement du bitcoin, les élections allemandes et une invasion de Taiwan. Plus généralement, le chaos résultant de l’application de la loi du plus fort.

Pour débattre des scénarios d’investissement et thèmes 2025, ou étudier des supports d’investissement pour jouer vos allocations, rendez-vous ici.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.