L'économie du like

Investir dans les réseaux sociaux

Semaine positive pour les indices américains, portés par l’adoption de la One Big Beautiful Bill et des données d’emploi meilleures que prévu. En Europe et en Asie, la performance est plus contrastée, influencée notamment par les négociations sur les droits de douane, qui évoluent défavorablement pour l’Europe et le Japon.

En sus d’une douzaine de lettres à ses « partenaires » commerciaux, Trump vise un deal Tik Tok cette semaine. Quels sont les enjeux ?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, l’enquête ADP révèle la première baisse du nombre d’emplois dans le secteur privé en deux ans, ainsi qu’un ralentissement de la hausse des salaires. Elle est contredite par l’enquête JOLTS (qui date de mai, contre juin pour ADP), qui met en évidence une augmentation du nombre de postes à pourvoir, et par la publication des licenciements de juin (enquête Challenger), en forte baisse. De même, l’emploi non agricole (NFP) est en hausse significative en juin et révisé à la hausse en deuxième estimation pour mai. Le PMI de Chicago reste en zone de contraction pour le dix-neuvième mois d’affilée, l’ISM manufacturier reste dans une zone de contraction qu’il n’a quittée que deux fois (en janvier et février 2025) en trois ans, et l’indice RealClear Markets d’optimisme économique poursuit son déclin. La One Big Beautiful Bill est adoptée au Sénat (51-50) et à la chambre des représentants (218 à 214) ; son coût est désormais estimé à 3 400 Md$ sur 10 ans. Selon l’université de Yale, la mesure coûtera 560$ par an aux 20% les moins riches des contribuables, et rapportera plus de 6 000$ aux plus aisés. Les lettres de Trump à douze partenaires commerciaux des Etats-Unis sont signées et partiront lundi. Take it or leave it.

Dans la zone €, l’inflation repart légèrement à la hausse (2% en juin en première estimation), de même que le taux de chômage (6,3% en mai). Le PMI de la construction affiche sa plus forte baisse en trois mois, tiré par les mauvaises performances de la France et de l’Allemagne, dans le résidentiel notamment. En attendant le verdict de Trump, l’Europe, qui n’a pas su montrer un front uni et ferme dans les négociations, apparaît de plus en plus comme l’un des dindons de la farce douanière.

Les négociations entre le Japon et les Etats-Unis sont extrêmement tendues. En réponse aux menaces de Trump, le premier ministre évoque la position de premier créancier des Etats-Unis de son pays. Sur le plan intérieur, la confiance des grandes entreprises comme des PME surprend positivement (indice Tankan), celle des consommateurs poursuit sa hausse, et les dépenses des ménages accélèrent fortement, reflétant les mesures de soutien du début d’année. Les investisseurs étrangers sont nets acheteurs d’actions japonaises pour la treizième semaine d’affilée, ce qui n’était pas arrivé depuis 2013.

En Chine, le PMI manufacturier (officiel et Caixin) de juin surprend positivement malgré la faiblesse des exportations, celui des services reste en expansion mais moins marquée. Le gouvernement s’insurge contre les baisses de prix qui sont « un gaspillage des ressources sociales ». Par ailleurs, il aurait l’intention d’annuler en partie un sommet prévu avec l’UE en Chine fin juillet, après des déclarations de dirigeants européens demandant l’accès aux terres rares, et étudie « la préservation de ses intérêts » à la suite de l’accord entre les Etats-Unis et le Vietnam.

Les « baleines » du bitcoin vendent : depuis un an, les 50 Md$ de collecte des ETF rencontrent le même montant de ventes des détenteurs historiques, totalement absentes du marché depuis des décennies.

Micro 🔬

Les indicateurs d’euphorie de Barclays et Bank of America sonnent l’alarme cette semaine : le marché est en phase d’exubérance irrationnelle. Et du côté des obligations, c’est la même chose : record battu en juin pour les émissions de junk bonds (obligations très risquées) cette semaine en Europe.

Non content d’afficher des ventes en forte baisse (livraisons en baisse de 13% au T2, pire qu’au T1) et d’affronter la concurrence de Xiaomi en Chine, Tesla pourrait faire face à une enquête de ses anciens amis du DOGE, sur demande d’un Trump excédé par Musk. Les analystes attendent une baisse des ventes de 1,5% cette année, ce qui à ce stade semble optimiste, même si la division batteries affiche une forte croissance. Quant au robot humanoïde Optimus, la production a été reportée, les fournisseurs ont été avertis d’une pause de deux mois dans les commandes, et le patron de la division est parti. Les 5 à 10 000 exemplaires prévus cette année sont de plus en plus hypothétiques. Une bonne nouvelle pour Elon quand même : xAi lève 10 Md$ en dette et fonds propres.

Foxconn, le principal fabricant des produits Apple, rapatrie depuis deux mois des centaines d’ingénieurs et de techniciens chinois de sa filiale indienne, peut-être en réponse au mot d’ordre du gouvernement chinois, qui encourage depuis le début de l’année à limiter les transferts de technologie pour éviter les délocalisations de production vers l’Inde et l’Aie du Sud-Est. Apple projetait de produire l’essentiel des iPhones en Inde à partir de fin 2026.

Microsoft annonce 9 000 licenciements (4% de ses employés), et suggère à ses troupes d’utiliser l’IA pour augmenter la productivité dans les fonctions commerciales, ingénierie et support clients. De nombreux dirigeants évoquent désormais l’impact que l’intelligence artificielle aura sur l’emploi.

L’enquête anti-trust de la Chine sur les fabricants de cognac se solde par des taxes d’un maximum de 35% pour 5 ans, pas très loin des taxes en place depuis octobre dernier. Surtout, les entreprises s’engageant à respecter des engagements de prix n’y sont pas soumises.

Euronext propose 400 M€ en titres pour acheter la bourse d’Athènes.

La minute innovation 🧚🏻

Lancement de la RoBoLeague World Robot Soccer League à Pékin : les images de la demi-finale.

Apple envisagerait de renoncer à ses efforts internes en IA pour recourir à la technologie d’OpenAI ou d’Anthropic pour la prochaine version de Siri.

Microsoft a créé un panel de médecins virtuel couplé avec la plupart des LLM existants pour étudier 304 des cas diagnostics complexes du Massachussetts General Hospital publiés par le New England Journal of Medicine chaque semaine. 21 praticiens ont passé le même test. Tandis que 20% d’entre eux trouvaient le bon diagnostic, l’IA résolvait jusqu’à 85% des cas (quand le LLM était o3 d’OpenAI).

La thérapie génique permet de traiter certaines formes de surdité.

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L’économie du like 👍

Vendredi, Trump a déclaré qu’il reprendrait les négociations avec la Chine sur les activités de Tik Tok aux Etats-Unis cette semaine, et qu’il avait plus ou moins un deal. Faute d’accord, l’app serait bannie du territoire le 17 septembre, une date butoir déjà reportée plusieurs fois. Trump veut un spin-off de l’entité US où Bytedance tomberait sous le seuil des 20% ; la Chine exige des contreparties. Car les réseaux sociaux portent des enjeux géopolitiques mais aussi économiques considérables.

Avec 1,6 milliards d’utilisateurs actifs mensuels, Tik Tok est le quatrième réseau social mondial, derrière Facebook (Meta, plus de 3 milliards d’utilisateurs actifs mensuels), YouTube (Alphabet, 2,5 milliards) et Instagram (Meta, 2 milliards). Viennent ensuite LinkedIn (Microsoft) avec un milliard d’abonnés, Snapchat (900 millions), X et Pinterest (autour de 600 millions), et Threads (encore Meta, 350 millions). S’ils ne sont pas des réseaux sociaux au sens strict, deux éditeurs de jeux vidéo, Roblox et Epic Games, participent à cette économie de la création et comptent chacun une centaine de millions d’abonnés. Nous y reviendrons la semaine prochaine.

Les réseaux sociaux vivent de la publicité et parfois des abonnements, BtoC pour la plupart, et BtoB pour LinkedIn. Les revenus par utilisateur (ARPU) varient considérablement selon la plateforme, de moins de 2$ pour Pinterest à plus de 14$ pour la famille d’applications de Meta, et la zone géographique, avec un ARPU de la zone Amériques généralement quatre fois plus élevé qu’en Europe, et pas loin de dix fois plus élevé que dans le reste du monde.

Ils sont au centre d’une nouvelle économie caractérisée par le marketing d’influence et l’ascension du commerce social. L’économie des créateurs, à qui les plateformes fournissent des outils, est évaluée à près de 130 Md$ et pourrait quadrupler d’ici 2030. La tendance la plus critique est le passage des paiements centrés sur la plateforme à une monétisation directe menée par les créateurs : accords directs avec les marques, abonnements, commerce électronique et biens virtuels. La croissance ne se situe pas seulement au niveau des influenceurs-célébrités. Elle est tirée par les créateurs « amateurs» ou à temps partiel et une augmentation du contenu généré par les utilisateurs (UGC). Les marques s'associent désormais activement avec des créateurs d'UGC pour un contenu authentique et moins coûteux qui comble le fossé entre la découverte et l'achat.

Quant au commerce social, il devrait afficher des taux de croissance équivalents et représente déjà 6% des ventes au détail aux Etats-Unis, et près de 20% des ventes en ligne dans le monde. La croissance est tirée par plusieurs facteurs : l'intégration du commerce électronique dans les plateformes sociales (par exemple, Instagram Shopping), la montée en puissance des ventes menées par les influenceurs, et l'adoption de solutions de paiement fluides. Le shopping en direct, bien qu'encore naissant en Occident par rapport à l'Asie, reste un vecteur de croissance important.

Et l’IA? Elle est utilisée pour tout, du brainstorming et de la génération de texte à la création d'images et de vidéos, et bien entendu aux moteurs de recommandation, chargés de fournir non seulement du contenu pertinent, mais aussi des créations publicitaires et des recommandations de produits hyper-personnalisées, stimulant l'engagement et la performance publicitaire.

Construire une audience sur les flux des réseaux sociaux revient à construire sur un terrain loué, et les marques sont de plus en plus conscientes des risques inhérents à ce modèle : des changements d'algorithme soudains peuvent anéantir la portée organique, des changements de politique peuvent rendre des stratégies entières obsolètes, et la menace de suspension de compte ou d'interdiction de plateforme est toujours présente. La saga TikTok est l'exemple le plus extrême de ce risque.  

En réponse à cela, et aux inquiétudes sur l’utilisation des données, on observe un virage stratégique vers la création de communautés privées et propriétaires : plateformes comme Discord et Slack, groupes Facebook privés ou newsletters (👋) offrent un environnement plus contrôlé et favorisent un sentiment d'appartenance et des interactions plus significatives. Une menace émergente certes, mais marginale face aux opportunités encore disponibles pour les plateformes (dont on n’oubliera néanmoins pas, au moment d’investir, que la publicité est très cyclique).

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.