Le plus beau métier du monde

L'actualité bourse hebdo en 5 minutes

Pire semaine pour le S&P 500 depuis octobre dernier (l’Eurostoxx finit proche de l’équilibre) alors que les tensions géopolitiques s’accentuent et que l’inflation américaine résiste encore, réduisant la tolérance des valorisations aux mauvaises nouvelles.

L’investissement dans l’enseignement et la formation est certainement souhaitable, peut-il être rentable ?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, l’optimisme des PME est en retrait avec un indicateur NFIB à 88,5 en mars vs 89,4 en février, un plus-bas depuis 2012. Pour 25% des sondés, le principal problème reste l’inflation, tandis que pour 18% d’entre eux c’est la qualité de la main d’œuvre. L’inflation remonte au lieu de la petite baisse attendue avec un CPI de mars en hausse de 3,5% (3,2% le mois précédent). L’inflation sous-jacente est stable à 3,8%, et supérieure aux attentes pour le troisième mois consécutif. Le marché n’attend plus qu’une à deux baisses de taux directeurs d’ici la fin de l’année, pour un total de 40 points de base. Le rendement du 10 ans dépasse 4,5% et le 2 ans tutoie les 5%. Les prix à la production augmentent un peu moins que prévu, rassurant temporairement les marchés.  Les demandes initiales d’inscription au chômage restent faibles à 211 000, mais l’indice de confiance du consommateur de l’université du Michigan pour avril est en retrait.

En Allemagne, la production industrielle baisse un peu moins (-4,8% annualisé en février vs -5% en janvier). La Bank Lending Survey pour le premier trimestre de la BCE signale un petit resserrement supplémentaire des conditions de crédit pour les entreprises et le crédit à la consommation, et un léger assouplissement pour le crédit immobilier pour la première fois depuis fin 2021. La BCE laisse son taux directeur inchangé mais signale de nouveau un mouvement en juin. Le marché attend toujours 75 bps de baisse du taux de dépôt cette année.

L’agence de notation Fitch dégrade les perspectives de la dette souveraine chinoise de stables à négatives. L’inflation ralentit encore, les importations baissent, les exportations encore plus. Les importations des Etats-Unis en provenance du Mexique sont désormais supérieures à celles provenant de Chine. Modèle économique en transition ou middle income trap, Nouriel Roubini penche pour la deuxième option dans cet article.

Micro 🔬

Les résultats de JP Morgan et Wells Fargo déçoivent sur la marge d’intérêt, et pour la première sur les objectifs de dépenses, et les titres subissent des prises de bénéfices. JPM publie également cette semaine sa lettre aux actionnaires. Jamie Dimon y rappelle que la transition énergétique, les restructurations des chaînes d’approvisionnement mondiales, et l’augmentation des dépenses de défense et de santé pourraient conduire à une inflation et à des taux d’intérêt plus élevés que ce que n’anticipe le marché.

Tesla abandonnerait ses plans de véhicule électrique d’entrée de gamme (dit Model 2) et dévoilera le 8 août son robotaxi.

Apple annonce le renouvellement de sa ligne de Mac à partir de la fin de l’année avec un nouveau processeur plus performant, M4.

Intel révèle lors de son événement Vision la puce AI Gaudi 3, qui aurait une performance d’inférence (l’exécution des données dans un modèle de machine learning afin de calculer la réponse à la demande) supérieure de 50% à la puce H100 d’Nvidia avec une efficacité énergétique améliorée de 40%.

NBCU (Comcast) a vendu pour 1,2 Md$ de publicité pour les JO de Paris, un record.

Les ventes trimestrielles de TSMC augmentent de 16%. La société anticipe 20% de croissance pour l’année pleine, après une baisse de chiffre d’affaires en 2023. Les Etats-Unis envisagent d’accorder à société 6,6 Md$ de subventions et 5 Md$ de prêts pour l’aider à construire une usine supplémentaire en Arizona, qui serait opérationnelle d’ici 2030. TSMC portera son investissement en Arizona à 65 Md$ et créera 25 000 emplois. Intel a reçu 8,5 Md$, et Samsung Electronics pourrait se voir attribuer 6 Md$. Les Etats-Unis ont pour ambition de produire 20% des semiconducteurs de pointe mondiaux d’ici 2030 selon la Maison Blanche, soit pas très loin de sa demande domestique, pour l’instant à peu près du double de sa consommation. Souvenez-vous, en 2005 les Etats-Unis importaient 50% de leurs besoins en pétrole et en gaz naturel, dix ans plus tard ils avaient conquis leur indépendance énergétique. Avec des méthodes de fracking délétères pour l’environnement. L’Europe avait les technologies pour faire mieux, pas la politique industrielle. Bis repetita. Ce graphe d’Intel sur les capacités de production en semiconducteurs par région, bien que datant de début 2021, est assez explicite. Le CHIPS act américain de 2022 a débloqué 53 Md$ de fonds publics et aurait entraîné à date 350 Md$ d’investissements privés. Le Chips Act européen vise environ 40 Md€ d’investissements publics et privés, et environ la même somme en investissements privés à long terme.

Vertex acquiert Alpine Immune Sciences pour 4,9 Md$.

Warner Music Group a finalement décidé de ne pas soumettre d’offre ferme de rapprochement à Believe.

La minute innovation 🧚🏻

Sam Altman, CEO d’OpenAI et Jony Ive, l’ex-designer d’Apple, lèveraient 1 Md$ pour un dispositif portable personnel alimenté par l’intelligence artificielle. Dreamteam.  

Meta s’apprête à lancer Llama 3, la nouvelle version de son grand modèle de langage (large language model ou LLM), destiné à rivaliser avec Chat-GPT 4. La société a été avec Microsoft le plus gros acheteur du dernier modèle de GPU de Nvidia, le H100 : 150 000 unités, comme Microsoft et 3 fois plus que Google ou 10 fois plus que Tesla. Cela porterait son stock selon certaines sources à 350 000. Meta sort également sa nouvelle famille de puces IA, destinées à réduire sa dépendance à Nvidia, tandis que Google annonce sa puce Axion.

Le Français Mistral a mis à disposition cette semaine son dernier LLM, nommé Mixtral 8x22B et téléchargeable sur X.

Interrogé sur l’arrivée prochaine d’une IA dépassant l’intelligence humaine, Yan LeCun, prix Turing et patron de l’IA de Meta, est moins alarmiste que ses collègues de la tech et rappelle qu’un enfant de 4 ans a ingéré plus de données dans sa vie que le meilleur des LLM. On a tendance à le croire plus volontiers qu’Elon. Et si vous trouvez les réponses de ChatGPT trop conventionnelles, ou pensez qu’il est vraiment intelligent, testez-le après deux ou trois verres.

Le plus beau métier du monde

Beaucoup d’IA dans l’actualité cette semaine, mais également cet article de Bloomberg (réservé aux abonnés) sur les coûts de l’enseignement aux Etats-Unis : plus de 80 000$ par an pour une école de l’Ivy League, à rapporter à un revenu médian des ménages d’environ 75 000$ pour la dernière donnée connue (2022). Même si ces tarifs sont souvent assortis d’une aide voire de la gratuité en-deçà d’un seuil de revenu parental allant de 75 000$ à 150 000$ selon l’établissement, l’accès à ces établissements est nécessairement limité. Pourtant, les demandes d’inscription restent en forte hausse. Parallèlement, les petites universités souffrent d’inscriptions en baisse malgré des critères d’admission de moins en moins sélectifs, et des frais de fonctionnement en hausse ; les taux de défaut sur leur dette ont flambé en 2023, et Fitch Ratings anticipe une détérioration de l’environnement de crédit pour le secteur en 2024. Voilà pour le segment à but non lucratif, qu’il soit public ou privé comme l’Ivy League. Le segment lucratif comprend des établissements classiques, souvent à vocation professionnelle, et des plateformes d’e-learning.

Selon le Département de l’Education américain, les coûts d’un bachelor’s ont doublé en 30 ans après ajustement de l’inflation. Le secteur fait régulièrement l’objet d’une attention renforcée du gouvernement, et la question des prêts étudiants revient souvent sur le devant de la scène (Biden a annulé jusqu’ici pour 153 Md$ de prêts étudiants, soit moins de 10% du total).

En Chine, où parents et grands-parents sont mis à contribution pour offrir du soutien scolaire dès le plus jeune âge à l’enfant unique, New Oriental Education et TAL parmi tant d’autres ont rencontré de sérieuses difficultés (opérationnelles et boursières) en 2021, quand le gouvernement chinois a largement interdit ces cours de soutien pour les 6-15 ans, de même que les investissements étrangers et les introductions en bourse dans le secteur.  

Alors l’edtech, eldorado de l’investissement ? Des fonds d’investissement en tout cas, selon cet article. Je ne ferai pas le tour du business case en 600 mots, mais si le besoin est là, compétition, réglementation et croissance de la population-cible plutôt mal orientée dans les pays développés ne plaident pas pour l’océan bleu, même s’il existe des marchés où l’effondrement du secteur public peut fournir des opportunités.

Pour ce qui est du coté, les rares OPCVM disponibles visent à surperformer le marché actions global (ils en sont très loin) tout en ayant un impact « indirect » sur le secteur éducatif, et détiennent des titres parfois éloignés du thème (Microsoft ou S&P Global par exemple). Pour cause, puisque les titres cotés ne sont pas si nombreux, et que leur performance n’est pas spectaculaire : l’indice S&P Education Services a perdu environ 50% en 15 ans. L’ETF de Global X, malencontreusement lancé mi-2020, a fermé fin 2023. L’ETF iShares Digital Entertainment and Education a eu un timing de lancement plus heureux (mi-2022) et affiche une belle performance puisqu’il compte dans ses 3 premières positions, totalisant environ 20% de l’actif, Nvidia, Spotify et Netflix ; il reflète indéniablement l’époque, mais pour l’enseignement on a des doutes.

Quant à l’aspect ESG souvent mis en avant, s’il est bien un secteur où l’arbitrage du partage de la valeur entre clients, employés et actionnaires est difficile, ce doit être l’enseignement, et les KPIs retenus, comme par exemple le nombre d’étudiants ayant accès à l’éducation dans le monde et le nombre d’heures de formation professionnelles, manquent de granularité. Accessoirement, il est toujours navrant d’investir dans une noble cause pour se retrouver pénalisé par l’une des controverses agitant le secteur depuis au moins 20 ans.

Alors financer l’enseignement et la formation, oui évidemment, le faire pour en espérer un rendement, seulement si l’on sait éviter les chausse-trappes, en coté encore plus qu’en non coté.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.