L'enfer est pavé de bonnes intentions

L'actualité bourse hebdo en 5 minutes

Cette semaine l’Eurostoxx fait mieux que les marchés américains, alors que le premier assouplissement monétaire de la BCE est quasiment acté pour juin. Alors que l’ISR dépasse 50% des encours en Europe, point sur une thématique (plutôt transversale) dont la méthodologie laisse à désirer.

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, l’emploi se porte toujours bien, avec néanmoins quelques signaux contradictoires dans le rapport ADP et une confirmation du retour progressif à la normale. Les créations d’emploi non agricoles sont très supérieures aux attentes (275 000 alors que le consensus attendait moins de 200 000) mais le taux de chômage remonte (3,9%). L’ISM des services se replie, à 52,6. Powell déclare qu’il sera probablement approprié de baisser les taux cette année, mais qu’il faut plus de certitudes que l’inflation se rapproche de 2%. Le marché attend 3 baisses cette année, un économiste passé par l’OCDE et Deutsche Bank déclare qu’il n’y en aura aucune. Le patron de la Fed déclare aussi, lors de la même audition au Congrès, que le risque lié au crédit immobilier commercial causera quelques faillites bancaires mais n’est pas systémique.

En France, le PMI composite de février est revu à la hausse en deuxième estimation (48,1, c’était 44,6 en janvier). Pour la zone €, c’est 49,2, un plus-haut de 8 mois, avec l’Irlande et l’Espagne en tête des pays en expansion et l’Allemagne à un plus-bas de 4 mois (46,3). La BCE laisse ses taux inchangés et revoit sa projection d’inflation à 2,3% pour 2024. Selon le Bloomberg Economics Nowcast, qui incorpore 32 variables, la cible d’inflation de la BCE est déjà atteinte (1,95%). La baisse de juin est quasiment acquise. Un coup de pouce bienvenu alors que le PIB européen a progressé de 0,1% au T4.

L’OPEP+ maintient ses coupes de production (de 2,2 millions de barils/jour) jusqu’à la fin du premier semestre pour soutenir les prix du pétrole.

Lors de la réunion annuelle de l’Assemblée nationale populaire, les autorités chinoises maintiennent l’objectif de croissance de 5% pour 2024, et ciblent une inflation de 3% et un taux de chômage de 5,5%.

Rebond de l’or dont l’once approche les 2200 $. Le rallye récent est attribué aux incertitudes géopolitiques et à l’approche de la baisse des taux, ainsi qu’à la poursuite des achats de la part de la banque centrale chinoise.

Le bitcoin dépasse son précédent record (69 000$).

Journée de la femme hier, avec un article des Echos citant une étude de l’URSSAF sur les salaires des femmes dans la finance – 37% de moins que les hommes, quand même, notamment parce qu’elles sont beaucoup moins représentées dans les fonctions front. Je ne peux pas dire que je sois tombée de ma falaise (de verre), mais comme je n’ai pas encore trouvé l’étude, je reproduis juste un petit état des lieux publié il y a quelques mois.

Micro 🔬

Berkshire et Eli Lilly pourraient rejoindre le club jusqu’ici exclusivement tech des capitalisations boursières supérieures à 1000 Md$. Eli Lilly annonce par ailleurs que la FDA reporte sa décision sur l’autorisation de mise sur le marché de donanemab, son traitement de l’Alzheimer, et demande l’examen des données par un comité consultatif. Rien d’inhabituel, hormis la convocation très tardive du comité en question.

Liberty Strategic Capital (le fonds de l’ancien secrétaire d’Etat au Trésor de Trump, Steve Mnuchin), Hudson Bay Capital et Reverence Capital viennent à la rescousse de New York Community Bancorp en injectant 1 Md$.

Selon Counterpoint Research, les ventes d’iPhone en Chine seraient en baisse de 24% sur les six premières semaines de l’année en raison d’achats patriotiques dont le principal bénéficiaire est Huawei. Cette semaine, Apple écope également d’une amende de 1,8 Md$ de l’UE pour abus de position dominante dans le streaming, et dévoile ses lancements du printemps (pas grand-chose).

Victoria’s Secret perd près de 30% le jour de sa publication (chiffre d’affaires en baisse de 3% en 2023 et résultat net divisé par 3). Du premier show de la marque de lingerie, qui avait crashé le site internet en 1999, à l’amitié du CEO avec Epstein et à la recherche d’une nouvelle image, la route est longue. Sexiness can be inclusive, disent-ils.

Super Micro Computer, on dirait de la vieille tech, et c’en est d’une certaine manière (la société a été créée en 1993), mais grâce à ses serveurs dédiés à l’intelligence artificielle le titre va faire son entrée dans le S&P500 après avoir été multiplié par 12 en un an.

Boeing, dont une audition devant le Sénat blâme le manque de coopération avec les enquêteurs tandis qu’un 737 perd une roue cette semaine, s’apprêterait à acheter son fournisseur Spirit Aerosystems, cédé aux fonds d’investissement Onex Partners et Ardian en 2005 et introduit en bourse en 2006.

Palantir décroche un nouveau contrat de 178 M$ avec l’armée américaine.

Reddit, le réseau social connu pour son forum Wallstreetbets, commence son roadshow lundi. La société viserait une valorisation de 6,5 Md$ en haut de fourchette. Pricing le 20 mars.

Contrairement à Palo Alto Networks récemment, Crowdstrike (cyberscurité) ne note pas de spending fatigue chez ses clients : ARR en hausse de 34% au T4, objectifs supérieurs au consensus, et cours en hausse de 25% sur la publication.

Arkhouse Capital et Brigade Capital relèvent leur offre sur la chaîne de grands magasins Macy’s à 24$ par action (6,6 Md$).

Novo Nordisk dépasse la capitalisation boursière de Tesla sur la publication des premiers résultats cliniques de son nouveau traitement anti-obésité (13% de perte de poids en 12 semaines). Le PIB danois a crû de 1,8% en 2023, intégralement dus au laboratoire pharmaceutique.

Et sinon?

Musk, peut-être fâché d’avoir été détrôné du poste d’homme le plus riche du monde par Bezos cette semaine (200 Md$), engage des poursuites contre OpenAI (et contre Sam Altman et Greg Brockman, ses co-fondateurs à l’époque), les accusant d’avoir abandonné l’objet de la société, à savoir développer l’intelligence artificielle pour le bien de l’humanité. OpenAI réplique en ressortant des emails du milliardaire dans lesquels il demande le passage au but lucratif, suggère de lever 1 Md$ et demande à être actionnaire majoritaire et CEO, voire de fusionner avec Tesla. Petty jerk. Après la baisse de Tesla, on parle désormais des 6 Spectaculaires et plus des 7 Magnifiques.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

La semaine dernière, nous évoquions le fait que la gestion passive avait dépassé 50% des encours aux US. A peu près au même moment sortait une étude de Quantalys montrant qu’en Europe c’est l’ISR qui totalise désormais la moitié des actifs sous gestion. L’investissement socialement responsable est passé de 347 Md€ en 2018 (5% du marché) à 4 550 Md€ en 2023, pas tant grâce à la collecte sur de nouveaux fonds que par la transformation des anciens. Focus sur une thématique que nous n’avons pas abordée jusqu’ici, et qui selon nous n’en est pas une mais une grille d’analyse transversale.

L’ESG désigne les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance permettant d’évaluer, en conjonction avec les critères financiers, la responsabilité (ou durabilité) d’un investissement, critères qui ont toujours fait partie de la grille d’analyse d’un analyste financier ou d’un gérant long terme (la théorie des parties prenantes date de 1984). Les scores ESG sont calculés par des agences de notation, avec une variabilité considérable car ces données ne sont pas toute aussi objectivables que des données comptables : on peut accepter un score d’empreinte carbone calculé par Janco, pour la gouvernance certains critères sont quantitatifs, d’autres moins, et quand on va sur les critères sociaux, c’est encore plus complexe.

Prenons les salariés par exemple : pour le nombre de femmes au comex, il suffit de savoir compter jusqu’à...1 dans le cas d’Atos (on n’a pas trouvé de femmes incompétentes ? 🙊), d’ailleurs notée AAA par MSCI ESG en 2022. Jusqu’ici ça va. La satisfaction des employés, c’est plus difficile. Par exemple, une étude allègue que les sociétés du Fortune 100 Best Companies to Work For surperforment massivement (par un facteur de 3,36) le Russell 3000 de 1998 à 2022. Le benchmark est discutable (par rapport au S&P500 ou au Nasdaq, la performance relative n’est plus du tout de 3,3) ; et il est possible d’inverser la causalité (les entreprises qui vont bien bénéficient d’une bonne dynamique et de meilleurs salaires, donc les employés sont contents) : d’ailleurs Nvidia n’était que 38ème au classement en 2019, mais 6ème en 2023, à CEO inchangé.

Pour ce qui est de la performance de l’ESG, les études sont contradictoires: selon Refinitiv Lipper ou Barron’s, les fonds ESG sous-performent significativement sur 3 et 5 ans, selon Morgan Stanley ils surperforment. En fait elles n’ont probablement aucun sens : les actions détenues par les fonds ESG et classiques sont les mêmes (Morningstar, 2022).

Bref, les scorings sont sujets à caution, et la Financial Conduct Authority britannique s’est émue de la robustesse de la qualification des sustainability-linked notes, des facilités de crédit conditionnées à des critères de durabilité qui rentrent dans les objectifs ISR des banques, apparemment adossées à des critères plutôt laxistes. Et l’épargnant dans tout ça ? Il est pour sur le principe, mais ses trois principaux critères de choix d’un placement sont la sécurité, la rentabilité, et la disponibilité (AMF 2023). L’ISR arrive en 8ème position.

Cette semaine la SEC a adopté une nouvelle réglementation obligeant les sociétés cotées à communiquer leurs émissions de scope 1 et 2 si elles représentent un risque matériel lié au climat. Parce que fondamentalement, ce qu’on doit apprécier dans un investissement c’est son couple rendement-risque. Alors investir dans un gérant star (Warren Buffett) et sa participation de 28% dans Occidental Petroleum et son pétrole de schiste ou pas est affaire de convictions. A condition de pouvoir décider en connaissance de cause, en étudiant le process, vérifiant que les principales positions du fond sont cohérentes, et choisissant un gérant qui réfléchit au lieu d’utiliser un score.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés. Si vous avez besoin d’aide pour sélectionner votre gérant, on fait le tri pour vous.