Espionnage à la carte

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, les indicateurs d’activité manufacturière sont mal orientés : baisses des indices des Fed de Richmond, Chicago, Kansas City et de la composante manufacturière du PMI S&P Global, baisses des commandes de biens durables. Les services compensent, et le PMI composite surprend à la hausse. L’immobilier reste morose avec des ventes de logements existants toujours au plancher, sur fonds de prix moyen toujours orienté à la hausse (435 000$, + 50% en 5 ans), et des ventes de logements neufs toujours très faibles. Le stock de maisons invendues (plus de 500 000) est le même qu’à la veille de la crise financière de 2008. Les nouvelles inscriptions au chômage surprennent pour la troisième semaine d’affilée par leur modération. Jerome Powell tient bon malgré les attaques, tandis que Trump se concentre sur les négociations tarifaires (il viserait désormais 15% de droits de douane au minimum pour tous les pays contre 10% auparavant) et sur un plan IA presque sobrement intitulé : Winning the Race.

La BCE laisse les taux inchangés, et fera probablement de même en septembre. Sans grande surprise compte tenu des développements récents (déplacement de Xi Jinping à Bruxelles annulé et sommet à Pékin raccourci à un jour), les discussions avec la Chine semblent dans une impasse alors que de l’avis des deux parties la relation est à un point d’inflexion. Le déficit commercial de l’Europe avec la Chine atteint un plus-haut historique de 143 Md$ au premier semestre, mais les terres rares sont quand même rationnées. La confiance des consommateurs de la zone € s’améliore marginalement (elle reste très déprimée), mais l’activité confirme son amélioration (PMI composite de 51).  

Le Japon accepte des droits de douane de 15%, y compris sur les véhicules (qui avaient précédemment écopé de 25%), en échange d’un vague fonds d’investissement de 550 Md$ aux Etats-Unis. Interprété comme une défaite dans le contexte politique difficile d’élections perdues par la coalition du premier ministre, l’accord évite néanmoins le pire. L’industrie automobile américaine crie au scandale, d’autant qu’elle continuera de payer 25% sur les pièces importées. Le PMI manufacturier baisse fortement, et comme aux Etats-Unis c’est compensé par le rebond des services.

En Chine, la banque centrale injecte 84 Md$ de liquidités pour contrer la hausse des taux longs.

Micro 🔬

Les actions américaines ont attiré moins de 50% des flux des investisseurs depuis le début de l’année, contre 72% en 2024.

Les meme stocks, ces titres cotant quelques centimes mis en avant par des infleunceurs sur les réseaux sociaux en 2021, sont de nouveau à la fête. Ca se passe sur Krispy Kreme, GoPro, la chaîne de grands magasins Kohl’s ou Beyond Meat cette fois. Les stars de 2021 (AMC et Gamestop) ont perdu 70 à 90% de leur valeur depuis (ou ont fait faillite comme Bed Bath & Beyond), rattrapés par leurs fondamentaux.

Dans un nouvel élan visionnaire, Musk annonce que Tesla va traverser une période de transition d’un an ou plus. L’annulation des crédits d’impôt pour l’achat d’une voiture électrique récemment décrétée par Trump, et les retards récurrents dans la voiture autonome (Autonomy at scale, c’est désormais pour le deuxième semestre 2026, voire fin 2026), se traduisent par un chiffre d’affaires en baisse de 12%, des coûts en forte hausse en raison des taxes à l’importation, et pas grand-chose pour rêver : peu de détails sur les robots humanoïdes et sur le nouveau modèle d’entrée de gamme. Reste le Tesla diner de Los Angeles, et une base d’investisseurs solide, puisqu’ils paient encore 193x des résultats 2025 probablement surestimés (ou 84 x l’EBITDA).

General Motors fait également état d’une forte augmentation de ses coûts : les droits de douane amputent son résultat de quelque 30% ce trimestre, les hausses de coûts n’ayant pas été reflétées dans les prix finaux.

Les ventes d’Amazon pendant les quatre Prime Days de cette année n’auraient augmenté « que » de 4 à 5%, tandis que la semaine promotionnelle de Walmart.com enregistrait 24% de dépenses en plus. The dinosaur’s got some bite left. Bezos effectue les dernières cessions dans le cadre du plan de vente d’actions annoncé en mai (25 millions de titres pour un total de 5,7 Md$).

Compte tenu de la diversité de ses consommateurs finaux, le fabricant de semiconducteurs Texas Instruments est considéré comme un indicateur avancé de l’état de l’économie globale. Le titre est sanctionné sur sa publication trimestrielle : chiffre d’affaires en hausse de 16%, tiré par toutes les verticales sauf l’automobile, reprise cyclique dans tous les segments industriels, mais commentaires très prudents de la direction, notant qu’une partie de la demande du deuxième trimestre pourrait provenir de la constitution de stocks par ses clients (« I do believe it ran a little hot »). Ces déclarations contrastent avec l’optimisme des précédentes communications (la dernière date de mai).

Alphabet bat sensiblement le consensus au deuxième trimestre : le chiffre d’affaires, en hausse de 14%, bénéficie toujours de la croissance de Google cloud (+32%) et de YouTube, mais surtout la publicité sur le moteur de recherche, en hausse de 10%, résiste à l’expansion de chatGPT et consorts. Le groupe augmente de nouveau ses attentes de capex, largement destinés à l’IA, de 75 à 85 Md$.

En Europe, les valeurs tech déçoivent : SAP affiche un chiffre d’affaires légèrement inférieur aux attentes, ASMI publie un ralentissement des nouvelles commandes, STMicroelectronics est affecté par le ralentissement de l’automobile et perd 10% sur sa publication, Dassault Systèmes révise à la baisse son objectif de marge opérationnelle et perd 8%.

Dans la consommation, LVMH tire son épingle du jeu malgré un chiffre d’affaires à -4% et un résultat opérationnel à -15%, les analystes identifiant des signaux encourageants sur le marché chinois et appréciant la discipline sur les coûts. Puma perd 17% sur des résultats montrant un recul du chiffre d’affaires et de la marge brute, une augmentation des stocks, et un renoncement aux objectifs annuels, en partie en raison des droits de douane.

Les banques s’en sortent mieux avec de bonnes publications pour BNP et Deutsche Bank.

Nintendo signe le record du monde du plus gros démarrage des ventes d’une console avec la Switch 2, qui s’est écoulée à hauteur d’1,6 million d’exemplaires aux Etats-Unis en juin.

La minute innovation 🧚🏻

Le tout nouveau GPT Agent serait un peu le Tesla de la voiture autonome : ne fonctionnant à ce stade que sous supervision complète, et encore sujet aux accidents. It’ll test your patience.

Les Chinois sont juste derrière les Américains pour les interfaces cerveau-ordinateur, et pensent avoir des modèles sur le marché en 2028, après un premier réussi ces derniers mois. Neuralink, qui a récemment levé 1,3 Md$ en deux tranches sur une valorisation pre-money de 9 Md$, vise une autorisation de la FDA en 2029, et 20 000 implants par an pour 1 Md$ de chiffre d’affaires dès 2031 avec trois modèles : Telepathy permettrait la communication entre cerveau et machines, Blindsight rendrait la vue aux aveugles, et Deep traiterait la maladie de Parkinson. Sur ces deux dernières indications, aucun test n’a encore été réalisé.

Mieux que les caméras : des chercheurs de La Sapienza ont développé un système permettant d’identifier et de localiser les personnes en se basant sur la manière dont leurs corps interagissent avec les signaux wifi.

Une innovation beaucoup moins flippante : Alphabet propose Aeneas, un modèle open source permettant de restaurer les textes anciens (latin pour l’instant).

Espionnage à la carte 🛡️

Microsoft fait face à une faille de sécurité de SharePoint qui affecterait à ce stade 400 entreprises et/ou entités gouvernementales. La campagne dite “ ToolShell “ a exploité dès le 18 juillet deux vulnérabilités des serveurs SharePoint (contournement d’authentification et exécution de code à distance), permettant aux attaquants un contrôle total des serveurs vulnérables. Elle est attribuée à des groupes de hackers liés à l’Etats chinois, Linen Typhoon et Violet Typhoon, ainsi qu’à Storm-2603, qui exploite les vulnérabilités pour demander des rançons. Les activités de ces hackers, centrées sur des cibles stratégiques, sont détaillées dans le blog de Micorosoft.

Microsoft a fait l’objet d’attaques retentissantes ces derniers temps, au point que lors d’un témoignage devant le Congrès, son président a annoncé que les 14 cadres les mieux payés auraient un tiers de leur bonus indexé sur une amélioration de la cybersécurité. Moyennement efficace apparemment. Pour le DG, la pénalité l’an dernier s’est élevée à environ 5 M$, sur un package de 79, ceci expliquant peut-être cela.

En 2024, le marché mondial de la cybersécurité est estimé à environ 225 milliards de dollars US. Les projections tablent sur un taux de croissance annuel moyen d'environ 13 % sur les dix prochaines années. Cette croissance est alimentée par la poursuite de la transformation numérique, l'adoption généralisée de l'IA qui complexifie le paysage des menaces tout en offrant de nouveaux outils de défense, la migration continue vers le cloud, l'expansion de la surface d'attaque avec l’internet des objets, et le durcissement des réglementations. Les segments de la sécurité du cloud, de l'identité et des accès, et des opérations de sécurité devraient être des moteurs de croissance particulièrement dynamiques. Un thème à retrouver ici.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.