Promesses électorales

Marchés américains en hausse d’environ 5%, Eurostoxx en baisse de 1%, CSI (indice de Chine continentale) en hausse de 5%, Topix en hausse de 2% matérialisent le sentiment des investisseurs sur l’impact de l’élection de Donald Trump.

Que penser des Trump trades ?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, le PMI composite déçoit un peu (54,1), l’ISM des services enregistre une hausse notable à 56, les inscriptions hebdomadaires au chômage sont à peu près stables à 221 000, et l’indice Michigan de sentiment des consommateurs progresse fortement (73). La Fed baisse les taux de 25 points de base, et Powell déclare qu’il ne démissionnera pas, et que la loi interdit de le virer (son mandat se termine en mai 2026). On revient sur l’élection dans le dernier paragraphe.

En Europe, le PMI manufacturier (octobre) s’améliore un peu tout en restant en contraction (46), celui des services surprend positivement, et le composite des deux tutoie l’expansion (50). Les prix à la production baissent de 3,4% (septembre). L’indice Sentix de sentiment des investisseurs pour novembre reste solidement négatif, tandis que la croissance des ventes au détail accélère à 2,9% (annualisé) en septembre après 2,4% en août.

Au Japon, l’indice Tankan (sondage auprès des entreprises sur les conditions économiques) reste en territoire positif mais passe de 7 au dernier trimestre à 5, tandis que le PMI des services, marginalement inférieur à 50, surprend à la hausse. L’indice avancé de septembre (conditions économiques à court/moyen terme) progresse significativement à 109,4.

En Chine, le PMI Caixin des services se redresse à 52, la croissance des exportations passe de 2% en septembre à 12% en octobre (dernière chance avant la mise en place de nouveaux droits de douane ?). Le gouvernement annonce un programme de refinancement de la dette des gouvernements locaux d’un montant de 10 000 Mds de yuans (1400 Md$) d’ici 2028. La dette locale, estimée par le gouvernement chinois à 13 000 Mds de yuans et par le FMI à 60 000 Mds, pèse sur les budgets de régions qui ont perdu, en raison de la crise immobilière, la part de leurs recettes provenant de ventes de terrains. Le ministre des Finances promet des mesures de relance plus significatives l’année prochaine (après l’intronisation de Trump sans doute). Avec moins de 70% de dette publique sur PIB, la Chine a de la marge de manœuvre. Les petits investisseurs locaux ont ouvert 6,8 millions de comptes de trading en octobre, un plus-haut mensuel depuis 2015.

L’OPEP décale d’un mois l’augmentation de production prévue fin novembre, en raison de la baisse des prix du pétrole.

Micro 🔬

Warren Buffett a de nouveau coupé sa position en Apple, de 25%, et en Bank of America, de 20%. La trésorerie de Berkshire Hathaway est passée de 277 Md$ à la fin du deuxième trimestre à 325 Md$ à fin septembre.

Après 53 jours de grève, les salariés de Boeing acceptent un accord portant notamment sur une hausse de salaire de 38% en quatre ans.

Devant le succès des smartglasses de Meta, Apple lance une étude interne (nom de code Atlas) sur le sujet.

Nvidia va remplacer Intel dans le Dow Jones. Sa capitalisation boursière, à 3 400 Md$, dépasse mardi celle d’Apple.

Qualcomm, le premier fournisseur mondial de processeurs pour smartphones, publie des résultats trimestriels et surtout des objectifs pour le quatrième trimestre calendaire qui signalent un redémarrage des ventes de smartphones, en particulier en Chine.

Même son de cloche chez le fabricant de semiconducteurs Arm Holdings, qui se déclare optimiste sur le taux de croissance des mobiles, y compris ceux d’Apple, mais dont les objectifs ne sont pas à la hauteur des attentes créées sur son exposition à l’intelligence artificielle.

Alors qu’Uber avait déçu, les résultats de l’application de VTC Lyft sont salués par une forte hausse du titre. La société a facilité plus de 200 millions de trajets au troisième trimestre, ses pertes sont inférieures aux attentes du consensus, et elle relève ses objectifs annuels.

Airbnb publie un chiffre d’affaires supérieur aux attentes, mais des dépenses de marketing plus élevées que prévu pèsent sur le résultat et sur le cours. 

Le titre Pinterest est sévèrement pénalisé à l’annonce de résultats supérieurs aux attentes sur toutes les métriques (chiffre d’affaires en hausse de 18%, résultat net de 30 M$, 537 millions d’utilisateurs), sauf une, les prix de ses publicités, en baisse de 17%, entraînant un objectif de chiffre d’affaires décevant pour le quatrième trimestre.

Palantir, le spécialiste des logiciels de renseignement, poursuit son parcours spectaculaire en prenant 40% cette semaine grâce à d’excellents résultats.

Le groupe pharmaceutique danois Novo Nordisk lève les inquiétudes sur la demande de traitements anti-obésité causées par les résultats décevants de son concurrent Eli Lilly en publiant une hausse de 79% du chiffre d’affaires de Wegovy au troisième trimestre. Le principe actif du médicament, semaglutide, a par ailleurs démontré récemment une amélioration de la fibrose du foie chez les patients atteints de stéatose hépatique (communément appelée maladie du foie gras) et est étudié dans diverses pathologies de l’inflammation, dont Alzheimer.

La minute innovation 🧚🏻

OpenAI serait en discussions avec les régulateurs pour passer en for profit.

Anthropic annonce un partenariat avec Amazon Web Services et Palantir pour fournir son modèle d’IA Claude (celui qui va chercher des images de parcs naturels sur Google quand il s’ennuie pendant une démo) aux agences de défense américaines.

ByteDance (TikTok) a généré autant de chiffre d’affaires que les plateformes de Meta au premier semestre.

Vous n’avez pas perdu assez d’argent sur les NFT ? Essayez l’art humanoïde : Sotheby’s vient de vendre 1 M$ un portrait d’Alan Turing réalisé par un robot. Qui déclare que son travail "invites viewers to reflect on the god-like nature of AI and computing while considering the ethical and societal implications of these advancements". Assez conforme aux laïus de certains artistes contemporains.

Promesses électorales 🐘

Vendredi, alors que les Républicains étaient en tête pour la chambre basse et avaient gagné le Sénat et la présidence, les Trump trades se tassaient un peu après avoir joué à plein pendant deux jours. Les investisseurs ont quelques mois, au-delà de la réaction immédiate, pour évaluer ceux qui ont des chances de perdurer. Faisons le le tri (sans prétendre à l’exhaustivité) entre les promesses électorales et la réalité.

Les baisses d’impôts sur les sociétés et sur les particuliers (qui ne passeraient probablement pas si les démocrates devaient emporter la chambre des représentants) sont favorables aux marchés actions, et en particulier aux petites et moyennes capitalisations boursières, mais l’augmentation potentielle du déficit budgétaire (7 750 Md$ d’ici 2035 selon le Committee for Responsible Budget), et l’effet inflationniste d’une politique protectionniste, n’échappent pas aux bond vigilantes, qui ont fait passer le taux 10 ans à 4,5% mercredi, avant une baisse vendredi. Pas terrible pour le patrimoine immobilier de Trump et pour sa promesse de taux d’emprunts immobiliers à 3%. Et probablement négatif pour les marchés actions si l’on devait atteindre 5%, même avec plus de croissance, et l’on sait qu’il est très sensible au comportement du marché actions. Accessoirement la hausse des taux longs, et celle du $ qui l’accompagne, vont peser sur la capacité à emprunter de l’Europe (le marché anticipe des taux US supérieurs de 2% à ceux de l’Europe) et de certains pays émergents. Et là encore contrecarrer le souhait de Trump d’affaiblir le $, pour favoriser les exportations et donc la réindustrialisation. La prudence est donc justifiée sur les obligations d’Etat.

La politique protectionniste sera mise en œuvre. Les perdants : Europe, Canada, Mexique et Chine notamment (actions et devises), et les secteurs comme le retail, qui étudient déjà la relocalisation d’une partie de leur production aux Etats-Unis. Mais avec cette contrainte de ne pas voir flamber l’inflation, l’augmentation de 60% des droits de douane sur les produits chinois sera peut-être revue à la baisse. Musk, grand vainqueur de l’élection avec 25 Md$ gagnés en une journée pour un investissement de 138 M$ dans la campagne, a quand même des intérêts significatifs en Chine.

Pour ce qui est des secteurs, la perspective d’une réglementation moins stricte par rapport à l’existant ou au programme démocrate a fait flamber la santé, les banques et le bitcoin, dont Trump veut par ailleurs créer une réserve stratégique. La santé peut bénéficier de facteurs intrinsèques (visibilité, quelques lancements significatifs, et quelques acteurs majeurs en manque d’innovation qui doivent recourir aux fusions-acquisitions), mais certains segments entreront certainement dans le champ des baisses de dépenses publiques envisagées. Les banques vont vraisemblablement avoir les coudées franches, au détriment de leurs homologues européennes.

Alors que 2024 s’annonce comme l’année la plus chaude de l’histoire (+1,55° par rapport au début de l’ère industrielle), il est probable que les mesures de soutien aux renouvelables soient annulées, même si là aussi, l’influence de Musk se fera sentir, au moins sur ce qui touche aux véhicules électriques. Quant à l’environnementalement désastreux Drill baby drill, il risque d’être mis en œuvre pour le gaz naturel, mais il n’a pas de sens économique dans un contexte où les coupes de production de l’OPEP ne suffisent pas à enrayer la baisse du prix du pétrole, et il est donc un peu tôt pour jouer de manière indiscriminée la hausse des titres d’énergies fossiles. Le secteur technologique a également bénéficié du Trump trade (à l’exception de Meta, dont Trump veut envoyer le boss en prison, et d’Apple, dont la supply chain est très dépendante de la Chine), mais l’impact est difficile à jauger. La Silicon Valley, bien que démocrate, est pragmatique, et Trump, qui l’exècre, n’ignore pas son importance dans la domination mondiale des Etats-Unis. Reste que des titres à multiples généralement élevés souffriraient probablement d’une hausse des taux, et que la seule direction à peu près certaine est celle de la conquête de l’indépendance dans la production de semiconducteurs.

Si l’imprévisibilité de Trump reprend le dessus, la volatilité pourrait augmenter, mais on ne peut exclure qu’il n’aboie plus qu’il ne morde, et revoie un peu à la baisse ses promesses électorales. La grande perdante pourrait être l’Europe, à moins que l’élection ne serve de wake-up call, après le rapport Draghi et en ligne avec cette lettre ouverte signée par les patrons des licornes européennes pour suggérer des pistes à même de favoriser une renaissance de la tech européenne.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.