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Soft Power
Le retour de la Chine

A l’exception de l’Asie, les indices mondiaux sont bien orientés grâce au retour du TACO trade et à un newsflow soutenu sur les investissements dans l’IA. Le CAC 40 affiche l’une des meilleures performances sous l’effet conjoint, ironie du sort, du retour des socialistes au gouvernement et des résultats de LVMH.
L’évolution du box-office mondial reflète la mutation du soft power et de l’ordre économique global.
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, le TACO (Trump Always Chickens Out) Trade est de retour : les droits de douane élevés ne sont pas tenables, dit Trump à Fox News, et les marchés se reprennent. L’activité, elle, n’est toujours pas flamboyante, à l’exception d’un rebond inattendu de l’indice manufacturier de la Fed de New York : le moral des PME (indice NFIB) fléchit, le Philly Fed s’effondre. Le moral des promoteurs immobiliers s’infléchit à la hausse, mais l’enquête NAHB révèle aussi que 38% des constructeurs baissent encore les prix en octobre. Powell déclare que la Fed devrait poursuivre son assouplissement monétaire. A part ça, quelques hausses de droits de douane, sur le bois notamment, et plus de 2 millions d’employés fédéraux privés de salaire. Scott Bessent, le ministre des finances, cherche une réponse commune des « alliés » des Etats-Unis, Europe, Canada, Inde entre autres, pour contrer l’hégémonie chinoise sur les terres rares.
Dans la zone €, l’indice ZEW de sentiment économique retrouve un plus-bas depuis mai, grâce à l’impasse budgétaire française. La dernière lecture de l’inflation de septembre est revue à la hausse à 2,2%. Les membres de la BCE confirment que le cycle d’assouplissement est terminé ou presque. Le chancelier allemand relance l’idée d’une Bourse paneuropéenne pour renforcer la compétitivité de l’UE, qui envisage aussi d’imposer aux entreprises étrangères désireuses d’accéder au marché européen des transferts de technologie (en ciblant essentiellement la Chine). Deux mesures qu’il est grand temps de mettre en place, et sans se limiter à la Chine en ce qui concerne la deuxième. Après Fitch, S&P dégrade la note de la dette française.
Au Japon, l’élection du premier ministre est fixée au 21 octobre.
La balance commerciale chinoise se porte bien, avec des exportations en hausse de 8% (-27% vers les Etats-Unis) et des importations en forte accélération à +7% (-12% des Etats-Unis). Les prix à la consommation sont faiblement négatifs (-0,3%), comme ils l’ont été 6 mois sur 9 cette année, en raison de la baisse des prix alimentaires (du porc notamment) et dans une moindre mesure des frais de transport. Le comité central du parti se réunit la semaine prochaine pour décider des grandes lignes du plan 2026-2030.
Le FMI prévoit désormais 3,2% de croissance mondiale en 2025, une hausse par rapport à la prévision de juillet (3%) due à des effets de stockage en anticipation des droits de douane, au boom des investissements dans l’IA, et à l’impact positif pour le commerce mondial de la baisse du $. Il s’inquiète d’un ralentissement global (3,1% en 2026) et des niveaux de dette, anticipant un niveau supérieur à 100% du PIB mondial.
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Micro 🔬
Même si l’on met de côté la baisse du $, le S&P 500 est loin derrière les autres marchés mondiaux cette année : il se classe 57ème en performance parmi les indices mondiaux en monnaies locales (66ème si les indices sont calculés en $) selon Bloomberg.
Le crédit inquiète de nouveau les marchés : après les faillites de Tricolor Holdings et First Brands (cf l’édition de la semaine dernière), c’est au tour de deux banques régionales, Zions et Western Alliance, de signaler qu’elles ont été victimes de fraudes (collatéral utilisé plusieurs fois) sur des financements accordés à des fonds pour l’achat de prêts immobiliers commerciaux en difficulté. Les montants en jeu sont beaucoup moins significatifs que pour First Brands, mais quelques jours après les commentaires du boss de JP Morgan (« quand vous voyez un cafard, il y en a probablement d’autres »), la nouvelle attise les craintes sur le marché du crédit. Par ailleurs, une étude académique ne trouve pas de surperformance de la dette privée par rapport à un ETF sur les mêmes sous-jacents.
Chez JP Morgan, la banque d’investissement brille grâce au retour des IPOs, et le trading affiche des résultats record (hausse de 25% des revenus), mais les pertes nettes sur créances augmentent (notamment en raison de la faillite de Tricolor Holdings). Jamie Dimon se fend de commentaires prudents sur l’emploi aux Etats-Unis et les incertitudes géopolitiques et commerciales ; rien d’inhabituel de sa part, mais l’augmentation de 810M$ des provisions pour créances douteuses apporte de l’eau à son moulin, et à celui du patron du fonds de dette privée Blue Owl, qui suggère à Jamie de chercher les cafards dans son propre bilan 😝. La banque va investir 10 Md$ dans des sociétés tech américaines alignées avec les intérêts stratégiques du pays. Les autres banques publient également de bons résultats, Goldman Sachs affichant la plus forte croissance du secteur dans la banque d’investissement, et dans l’ensemble n’affichent pas de détérioration de la qualité de leur crédit.
BlackRock collecte 205 Md$ au troisième trimestre, portant ses actifs sous gestion à près de 13 500 Md$.
Le newsflow IA est encore soutenu : OpenAI dépasse cette semaine les mille milliards de $ d’investissement annoncés avec l’accord de lundi avec Broadcom pour le développement de puces IA « maison » afin de réduire sa dépendance à Nvidia/AMD. Le déploiement s’étalerait de mi-2026 à 2029, et le financement de ces quelques dizaines de milliards de $ de plus n’est pas dévoilé. En un mois et trois accords, OpenAI a signé le développement de 26 GW de capacité (pas loin de trois fois l’énergie consommée par la ville de New York). AMD annonce qu’Oracle va déployer 50 000 unités de sa prochaine génération de processeurs à partir du troisième trimestre 2026. Meta obtient 30 Md$ de financements (de Blue Owl notamment) pour un datacenter en Louisiane, et un consortium comprenant notamment Microsoft, BlackRock et Nvidia achète Aligned Data Centers pour 40 Md$. Le fabriquant de semiconducteurs taiwanais TSMC relève ses objectifs de chiffre d’affaires annuel pour la deuxième fois cette année, attendant désormais autour de 35% de croissance. Enfin, ASML publie des commandes supérieures aux attentes, portées par la demande IA, et table sur un chiffre d’affaires au moins au même niveau en 2026 qu’en 2025 malgré la forte baisse des ventes attendue en Chine.
Le fonds souverain singapourien accuse le fabricant de véhicules chinois Nio d’avoir maquillé ses comptes.
LVMH publie une croissance organique de chiffre d’affaires de 1% au troisième trimestre, loin de la performance des belles années, mais après deux trimestres de ventes en baisse l’annonce entraîne une hausse de 14% du titre. La demande amorce un redressement en Chine.
La minute innovation 🧚🏻
Le responsable de l’équipe chargée d’améliorer Siri (Apple) part chez Meta quelques semaines après avoir été nommé. Une douzaine de membres de l’équipe chargée de crédibiliser l’IA d’Apple a démissionné, souvent pour rejoindre Meta. Qui recrute aussi cette semaine le co-fondateur d’une des startups les plus en vue du secteur, Thinking Machines (fondée par l’ancienne CTO d’OpenAI).
Joel Mokyr, Philippe Aghion et Peter Howitt se partagent le prix Nobel d’économie pour leurs travaux sur le rôle de l’innovation dans la croissance économique et sur la théorie de la croissance durable à travers la destruction créatrice. Bon résumé des thèses ici.
Un modèle de recherche construit grâce à Gemma, l’une des IA génératives open source de Google, découvre une nouvelle voie de traitement du cancer, vérifiée en suite in vitro.
Les titres liés à la transition énergétique ont subi le perfect storm : dégonflement de la bulle de 2021 et élection de Trump, sans compter quelques modèles structurellement déficitaires. On peut désormais parier sélectivement sur un rebond, comme dans notre proposition qui offre 10% de rendement cible avec un capital protégé jusqu’à une baisse de 40%. Liste d’attente ici.
Soft Power 🧧
Cette semaine, on aborde une thématique loisirs, afin d’apporter un peu de légèreté à une actualité qui en manque cruellement, et parce qu’elle est représentative d’un changement de perception des grandes nations qui a des implications sur l’allocation d’actifs.
Les autorités chinoises diminuent le nombre de films étrangers autorisés à la diffusion depuis 2018, tandis que la qualité des productions locales s’améliore. Par conséquent, les films américains, qui représentaient 85% du box-office mondial il y a 20 ans, n’étaient plus qu’à 62% l’année dernière. Les films chinois engrangent 20% des recettes mondiales depuis 5 ans, sans rien vendre ou presque à l’étranger. Ne Zha 2, le hit de 2025, compte déjà 2 Md$ de revenus, se plaçant en tête du classement global en 2025, et septième des plus grands succès de tous les temps (le premier, Avatar, approche les 3 Md$). Trump a la parade : il y a deux semaines, il a annoncé des taxes de 100% sur les films étrangers, dont l’industrie d’ailleurs se demande comment ils vont être mis en place (sur les cassettes vidéo arrivant dans les ports ?).
Selon son inventeur, Joe Nye, le soft power résulte de l’attractivité de la culture, des idéaux et des politiques d’un pays, et a été l’outil de politique étrangère le plus important des Etats-Unis pour convaincre les autres nations de faire ce qu’ils voulaient. Les principaux canaux du soft power sont l’éducation supérieure et les sciences, les médias, la tech et le divertissement, et les alliances et la diplomatie (y compris financière et culturelle). Avant tout, il dépend de la crédibilité. Sur ce plan, Trump est responsable d’une érosion qui ne se cantonne pas aux divertissements : quand il annonce que les visas H1-B, qui permettent aux entreprises de faire venir des travailleurs qualifiés, coûteront 100 000$, le gouvernement chinois lance ce mois-ci un visa K permettant l’entrée, le séjour et le travail pour les jeunes diplômés STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics) étrangers.
Il existe un indice du soft power mondial, basé sur huit piliers du soft power et trente-cinq attributs de « marque pays ». Les Etats-Unis y sont encore premiers, malgré une baisse notable sur certains critères comme la fiabilité, les standards éthiques élevés/le faible niveau de corruption, ou l’attitude amicale. La Chine y a atteint cette année la deuxième place, son meilleur score depuis que l’indicateur existe, passant devant la Grande Bretagne (la France est sixième) en s’améliorant notamment sur des attributs comme la générosité, l’attitude amicale ou les relations avec les autres pays.
De même, une étude du Pew Research Center publiée cet été montre que la proportion d’habitants des pays riches ayant une opinion favorable des Etats-Unis a plongé ces dernières années, et se situe désormais à un cheveu de celle de la Chine. Et que de nombreux pays réévaluent désormais l’importance des liens économiques avec ce pays. Soit dit en passant, les Français n’aiment ni l’un ni l’autre (ils leur font à quelques % près aussi confiance qu’à leur propre classe politique), et pour une fois on ne saurait leur en vouloir de ne pas vouloir choisir entre Trump et Jinping, Amazon et Shein.
Au-delà des recettes de Hollywood (et nous reviendrons sur ce thème des loisirs, très prometteur car avec tout ce temps que l’IA et la retraite à 60 ans vont nous faire gagner, il va falloir s’occuper), cette érosion du soft power américain va de pair avec la dédollarisation et peut-être la fin de l’exceptionnalisme américain, redessinant les cartes de l’investissement pour la prochaine décennie.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.