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Stable jusqu'à preuve du contraire?
Stablecoins, bitcoin society et bitcoin treasury companies

Cette semaine écourtée sur la bourse américaine par Thanksgiving voit les marchés mondiaux rebondir, grâce à un revirement complet des attentes d’assouplissement monétaire de la Fed ; qui semblent seules à tenir le marché, dans un contexte macro flou et sans levée à court terme des incertitudes sur la dynamique IA.
S&P dégrade la note du stablecoin Tether, tandis que la France importe le concept de Bitcoin Treasury Company.
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, à la suite des interventions dovish de gouverneurs de la Fed en fin de séance vendredi, puis lundi, les marchés se reprennent, portés par des probabilités d’une baisse des taux le 10 décembre passant de moins de 30% à plus de 80% en quelques jours. Des 4 candidats shortlistés par Trump pour la prochaine présidence de la Fed, le favori serait Kevin Hassett, directeur du National Economic Council, jugé le plus aligné et le plus redevable vis-à-vis du président américain (sic). Les données arrivent encore au compte-goutte consécutivement au shutdown, et la publication du PCE (inflation), décalée au 5 décembre, pourrait être encore reportée, laissant le prochain comité de la Fed à l’aveugle. Celles qui sont publiées sont dans l’ensemble médiocres : dégradation des indicateurs manufacturiers des Fed de Dallas, Richmond et Chicago, ventes au détail décevantes (une fois n’est pas coutume), emploi contrasté : le secteur privé a détruit 13 500 emplois par semaine au cours du dernier mois selon ADP, mais les inscriptions hebdomadaires au chômage sont un peu moindres que la semaine d’avant. Après le Michigan la semaine dernière, c’est au tour de l’indice de confiance du consommateur du Conference Board de décrocher, retrouvant presque le plus-bas d’avril. Les inquiétudes portent sur l’inflation, l’emploi et l’économie au sens large.
L’inflation de novembre est à peu près stable dans les grands pays européens : 2,3% en Allemagne, 3% en Espagne, 1,2% en Italie et 0,9% en France. L’indice IFO du climat des affaires en Allemagne repart à la baisse, la confiance du consommateur se stabilise à des niveaux encore très déprimés. Les prêts aux entreprises de la zone € progressent de 2,9%, ceux au ménage de 2,8%, la plus forte progression depuis deux ans. La confiance, des consommateurs comme des industriels de la zone, reste faible.
Au Japon, le chômage est stable à 2,6% (septembre), et la confiance des ménages retrouve un plus-haut de dix mois. L’inflation à Tokyo ralentit un peu en novembre (2,7%). La production industrielle ralentit en octobre, les ventes au détail montrent en revanche une nette accélération.
En Chine, la croissance des bénéfices industriels pour les dix premiers mois de l’année ralentit, marginalement pour les entreprises étatiques, plus brutalement pour le secteur privé.
Dans son rapport semestriel sur la stabilité financière, la BCE alerte sur le risque pour la zone € lié à la baisse de crédibilité budgétaire et institutionnelle aux Etats-Unis.
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Micro 🔬
L’app d’Alibaba destinée à rivaliser avec ChatGPT, renommée Qwen, dénombre 10 millions de téléchargements la première semaine de son lancement. Elle sera intégrée ultérieurement à la plateforme de shopping du groupe. Par ailleurs, le groupe publie de bons résultats semestriels, confirmant l’accélération récente de sa division cloud (+34%) et le redressement des ventes dans l’e-commerce. Comme prévu, les marges baissent fortement, pénalisées par des investissements, qui touchent à leur fin, dans ses plateformes d’e-commerce (notamment dans la livraison en une heure qui fait fureur en Chine), et par ceux dans l’IA dont il confirme la poursuite. Enfin, la société annonce cette semaine le lancement de smartglasses proches des Ray Ban de Meta, mais moins chères d’environ 200$.
Dell Technologies publie des résultats solides et des objectifs supérieurs aux attentes pour le trimestre en cours. Le groupe souligne la forte demande pour ses serveurs dédiés à l’intelligence artificielle, une réassurance sur la dynamique mondiale des datacenters après le newsflow largement négatif de la semaine dernière.
Pour HP, c’est moins brillant : les résultats sont bons (autant que possible quand on vend des PC et des imprimantes), mais les objectifs 2026 déçoivent et la société annonce une vaste restructuration, avec la suppression de 4 à 6000 emplois dans le monde d’ici 2028, soit 10% des effectifs. La raison principale évoquée par la direction est l’adoption massive de l’intelligence artificielle par l’entreprise. Les suppressions toucheront en priorité les équipes de développement produit, les fonctions administratives, et le support clients.
Gemini 3, lancé la semaine dernière par Alphabet, a été entraîné intégralement sur les TPUs de Google, pas sur les GPUs d’Nvidia. Alphabet ne les utilise qu’en interne, mais envisage de les commercialiser. The Information relate d’ailleurs que Meta serait en discussions pour les utiliser en alternative aux GPUs d’Nvidia à partir de 2027. La même source remarque qu’une rumeur identique sur OpenAI en septembre avait été suivie de l’investissement fort opportun d’Nvidia dans cette dernière, à hauteur de 100 Md$, et qu’Nvidia a désormais des cash flows plus importants que ses grands clients, ce qui lui permet d’acheter le maintien de ses parts de marché. Le titre ne perd d’ailleurs qu’un peu plus de 2% sur la semaine. D’autres hyperscalers essaient de développer des alternatives moins chères aux puces d’Nvidia.
Musk fait pression sur le régulateur néerlandais pour obtenir l’autorisation de lancer la fonctionnalité Full Self Driving de Tesla en février prochain, et se fait renvoyer dans ses buts.
L’action et les obligations du promoteur immobilier China Vanke plongent cette semaine alors que la société demande à allonger la maturité d’une obligation arrivant à échéance en décembre. Son actionnaire principal, l’entité publique gérant les transports ferroviaires de Shenzhen, se montre moins accommodant pour aider au refinancement de ses 51 Md$ de dette. China Vanke était considéré comme l’un des promoteurs les plus solides, mais la crise immobilière n’est pas encore résorbée.
JD.com devient le deuxième actionnaire de Fnac Darty en rachetant le distributeur allemand Ceconomy. En attendant, l’Europe tergiverse toujours sur l’union des marchés de capitaux et les fonds de pension.
Deux groupes chinois et une société japonaise étudieraient l’acquisition de Puma.

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La minute innovation 🧚🏻
Grok 4.1, la dernière version du LLM d’xAI, affiche le meilleur score de l’industrie sur l’intelligence émotionnelle. Plutôt drôle pour l’IA de Musk. Au fait, Elon, on préfère des réponses justes à des réponses qui nous plaisent.
Convaincu de la pertinence de l’open space ? Jetez un coup d’œil à cette modélisation mathématique du nombre d’heures de travail réel en fonction de trois paramètres, les interruptions, le temps de récupération (10 à 15 minutes pour retrouver sa concentration), et la difficulté de la tâche. Vous n’avez probablement fait aucun travail requérant de la concentration cette semaine.
Selon le MIT, l’IA peut déjà remplacer près de 12% de la main-d’œuvre aux Etats-Unis. L’étude détaillée est ici.
DeepSeek-Math-V2 rivalise avec l’équivalent chez Google en raisonnement mathématique, et il est en open source.
Un enfant atteint du syndrome de Hunter bénéficie de la première thérapie génique pour cette maladie rare et apparaît guéri quelques mois plus tard.
Stable jusqu’à preuve du contraire ?🤞
Cette semaine, S&P dégrade la note de Tether à « faible » (5 sur une échelle de notation des stablecoins allant de 1 à 5 – USDC est noté 2), et ce n’est pas complètement anecdotique pour un actif qui pèse désormais plus de 180 Md$. Le « stablecoin » n’est pas exclusivement adossé au $, il utilise d’autres actifs (Bitcoin, métaux précieux, prêts garantis, obligations d’entreprises etc.), en collatéral, et pourrait donc en cas de baisse de ces actifs ne plus être en mesure de garantir la parité avec le dollar. Il est aussi sanctionné pour son manque de transparence sur ses dépositaires et contreparties, sur la gestion de ses réserves, et sur l’absence de ségrégation des actifs. Le DG rétorque que les modèles de notation traditionnels ne sont pas pertinents, et qu’il « affiche le mépris [de S&P] avec fierté. »
Les stablecoins (ou cryptomonnaies stables) sont une catégorie de crypto-actifs spécialement conçue pour maintenir une valeur stable par rapport à un actif de référence, le plus souvent une monnaie fiduciaire comme le dollar américain ou l’euro. Leur objectif principal est de combiner les avantages de la technologie de la blockchain (rapidité des transactions, sécurité, décentralisation potentielle, accessibilité) avec la stabilité de la valeur des devises traditionnelles, créant ainsi un outil crucial dans l'écosystème financier numérique.
Ils peuvent être adossés à une monnaie fiduciaire : l'émetteur détient une réserve d'actifs traditionnels (dollars en banque, bons du Trésor, équivalents de trésorerie) hors de la chaîne (off-chain). Pour chaque stablecoin émis (frappé), un montant équivalent de la monnaie fiduciaire est censé être détenu en réserve. L'ancrage dépend entièrement de la fiabilité de l'émetteur et de la qualité et de la liquidité des actifs de réserve.
Ils peuvent aussi être adossés à des cryptoactifs, c’est-à-dire être garantis pas des réserves dans d’autres crypto-monnaies, mais dans ce cas la stabilité est aléatoire, même s’ils sont très collatéralisés ; voire algorithmiques (pas de réserves tangibles mais un algorithme qui émet ou retire de la circulation des jetons en fonction du prix), et là c’est encore moins stable, comme l’a montré la débâcle Terra (UST) en 2022.
Alors, le DG de Tether peut estimer qu’il vaut mieux investir dans le bitcoin ou l’or que dans les bons du trésor américain, et il a peut-être raison, mais on ne lui demande pas d’obtenir une meilleure performance que ceux-ci, mais de garantir qu’un USDT vaut 1$, ni plus ni moins. Et manifestement, le stablecoin le plus utilisé ne garantit rien de tel.
Par ailleurs, dans l’écosystème crypto, la nouvelle de la semaine est celle de l’importation en France du concept de Bitcoin Treasury Company (l’emblématique Strategy de Michael Saylor) grâce à Eric Larchevêque, qui lance The Bitcoin Society, une BTC cotée sur Euronext qui utilisera des levées de fonds pour constituer un « trésor stratégique » en Bitcoin, assortie d’une « network society », un concept obscur visant la souveraineté financière des individus et une capacité d’influence économique et politique. 🫨
Timing parfait, au moment où ces sociétés font face partout dans le monde à des difficultés, d’autant que MSCI a lancé une consultation, avec décision attendue le 15 janvier, qui pourrait conduire à l’exclusion de ses indices des sociétés dont l’activité principale est de détenir du Bitcoin et détenant plus de 50 % de leurs actifs en bitcoin, ce qui concernerait Strategy si la règle était adoptée. Conséquence : sortie automatique de tous les ETF et de nombreux autres fonds. Tant que Strategy traitait avec une prime sur sa valeur d’actifs, ses émissions d’actions étaient favorables aux actionnaires. Maintenant que ce n’est plus le cas, cela ressemble surtout à une pyramide de Ponzi : plus de 600 M$ de dividendes dus sur les actions préférentielles, alors que la société n’a pas un sou, sauf à vendre les réserves de Bitcoin qui justifient sa valeur d’actif ou à trouver des gogos (non benchmarkés) pour acheter sa dette ou ses actions afin de payer les dividendes des premiers.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.